Les astrophysiciens ont mis en évidence que le simple fait de l’existence des hommes impose des contraintes très précises à notre Univers et conséquemment à notre Terre, à la vie, à notre vie. Elles s’exercent sur ce que l’on appelle constantes physiques telle, par exemple, la vitesse de la lumière, la constante gravitationnelle ou les masses des particules atomiques (proton, neutron et électron) constituant toute matière...
Qu’est-ce que le principe anthropique ?
Cette influence sur l’univers et la matière, imposée par la présence des hommes, fut formulée par le physicien britannique Brandon Carter en 1974, sous la forme d’un principe appelé principe anthropique (du grec anthropos, homme) qui vise à évaluer les conséquences de l’existences de l’humanité sur les lois physiques.
Il existe trois énoncés du principe, il est essentiel d’en distinguer deux formes : Le principe anthropique faible et le principe anthropique fort.
Le principe faible dit que le simple fait de notre existence nous permet d’obtenir des effets sur les particularités de notre environnement immédiat et cosmologique. En d’autres termes le seul fait de notre présence nécessite un environnement particulier qui a des conséquences innombrables sur l’univers (âge, taille, densité moyenne de l’Univers, etc.). Cela signifie qu’il existe des ajustements fins parmi les constantes fondamentales, dont nous venons de parler.
Le principe fort est essentiellement finaliste, il peut se résumer en quelques mots : l’Univers doit posséder certaines particularités bien définies pour que la vie puisse apparaître et s’y développer. Cela signifie qu’il existe obligatoirement des complémentarités entre les différentes constantes fondamentales afin d’aménager un créneau précis pour permettre et favoriser l’apparition de la vie. Ces ajustements complexes et multiples ne peuvent être le fruit du hasard. Il existerait donc une finalité de l’évolution cosmique.
Il est capital de savoir que si les constantes physiques de l’Univers avaient été légèrement différentes, les conditions nécessaires à l’apparition de la vie n’auraient pas été remplies. Donc, le principe anthropique repose sur l’extraordinaire particularité, ou plutôt adaptabilité de notre univers. Évidemment on peut dire que c’est le fruit du hasard. Dans ce cas, nous ne pouvons que renoncer à comprendre l’Univers et à donner un sens à l’alchimie.
Si l’on s’interroge sur la valeur des constantes physiques fondamentales, par exemple le rapport entre la masse de l’électron, de charge électrique négative, tournant autour du noyau atomique et celle du proton, de charge électrique positive, entrant dans la constitution du noyau atomique, on reste perplexe. En effet, si on connaît leurs valeurs puisqu’on les a mesurés, on ne parvient pas à les comprendre ! Que se serait-il passé si elles avaient été différentes ? L’expérience a montré qu’une variation très faible de valeurs de ces constantes provoque un changement très important des structures et des propriétés de l’Univers.
Prenons un exemple reposant sur la constante de couplage des interactions fortes dont je vous épargnerais une explication ardue.
Le carbone et généralement l’oxygène sont indispensables pour former la matière vivante. Il est démontré que la genèse du carbone par la fusion de trois noyaux d’hélium au cœur du soleil est étroitement assujetti à cette constante de couplage des interactions fortes. Si cette valeur change d’un millimètre, les conséquences sont considérables. Tout le carbone disparaît en se transformant en oxygène, mais il peut aussi ne plus exister d’oxygène du tout.
Il y a donc dans notre univers un ajustement précis des paramètres physiques qui sont à l’origine de l’apparition de la vie et de ses formes évoluées. Évidemment le principe anthropique ne prétend pas résoudre l’énigme de la valeur des différentes constantes nécessaires pour l’apparition de l’homme.
Les rapports du principe antropique avec l’alchimie.
Quel rapport le principe anthropique peut-il avoir avec l’alchimie, me direz-vous ?
Je rappelle le principe faible qui dit que : le simple fait de notre existence nous permet d’obtenir des effets sur les particularités de notre environnement immédiat…
Voici un exemple pour illustrer ce fait.
Un jour mon formateur en alchimie décida de nous montrer un aspect de l’alchimie, qu’à ses yeux beaucoup trop de ses elèves ne prenaient pas suffisamment en considération. Il fit donc une expérience. Il prépara les matières pulvérisées nécessaires pour réaliser le Grand Œuvre. Il en fit un tas au centre d’une table et chacun de ses deux compagnons se servit avec lui la même quantité de cette matière pour l’introduire dans un ballon. Ils oeuvrèrent ensemble en faisant les mêmes gestes. Seul, mon instructeur réussit.
La raison de cette réussite fut commentée à foison. La plus fréquente était qu’une substance avait été ajoutée par notre formateur (toujours la suspicion et l’accusation de malhonnêteté chez ceux qui n’acceptent pas l’échec.) Mais l’accusation d’ajout de substance perdit tout son sens puisque mon formateur prit chaque ballon dont l’expérience était manquée, et réussit avec chacun d’eux le Grand Œuvre !
Quelle est la raison de cette réussite ?
C’est la dimension que l’on peut qualifier de spirituelle. Évidemment, il convient de définir la spiritualité. Ce n’est pas celle qui consiste à réciter des prières ou à assister aux offices religieux. C’est, certes, fort heureux pour beaucoup mais largement insuffisant si l’on souhaite aller plus loin. Ce n’est pas non plus en s’alimentant à des textes d’une haute valeur spirituelle et en les déclamant seul ou devant d’autres avec un frémissement dans la voix et de la chair de poule plein les bras. Parler d’amour est insuffisant, l’essentiel est de le pratiquer et non de s’en gargariser ! Tout cela ne concerne que la sphère affective et ne saurait en rien être confondue avec la spiritualité.
D’abord un point capital : la spiritualité véritable n’est assujettie à aucune religion. Si dans le sanctoral de l’Église catholique on étudie les biographies des saints, on découvre immédiatement leur indépendance vis-à-vis des dogmes et de toutes sortes de dictats. Étudiez, par exemple, la vie de Padre PIO, vous serez vite édifié par son attitude vis-à-vis de l’armée.
La spiritualité est un ensemble de pratique et d’études qui traitent essentiellement de l’être vivant, de ses rapports avec lui-même, et avec l’Univers. Il faut souligner que la spiritualité n’a pas de rapport avec une croyance qui est généralement un conditionnement qui détruit cette liberté au cœur de la spiritualité.
Le cœur de la spiritualité est l’accession à la métanoïa que les Églises traduisent par conversion alors qu’il s’agit d’un changement (méta, cf métamorphose) de la manière de penser (noïa, cf paranoïa). Cela ne peut s’acquérir que par le silence de la pensée, ce qui nécessite un long apprentissage.
À partir de là, l’être change, se rapproche des forces créatrices. Les résultats sont parfois déroutants. Ainsi, lorsque j’étais étudiant, l’un de mes professeurs de biologie enseignant à la Faculté de médecines disait durant ses cours que les voies nerveuses de régulation des battements du cœur n’étaient pas toujours nécessaires. Il donnait l’exemple d’un yogi capable de moduler comme il le voulait son rythme cardiaque, jusqu’à un arrêt presque total des contractions. Certes, les battements cardiaques sont modulés par le parasympathique (pneumogastrique) qui est ralentisseur et le sympathique qui est accélérateur. Mais dans ce cas il s’agit d’autre chose puisque le cerveau est capable d’avoir une action sans utiliser de voies nerveuses. C’est là un bel exemple de l’effet du principe anthropique. Ne me demandez pas sur quelle constate biologique le yogi à agit !
Dans le laboratoire alchimique, il en est de même. La dimension spirituelle de l’expérimentateur est fondamentale. C’est pourquoi ceux qui sont prêts sont capables d’agir (consciemment ou non) sur diverses constantes de la matière. Ceux qui ne le sont pas seront toujours en échec même s’ils font exactement les mêmes gestes que ceux qui réussissent.
Alors je vais « pousser un coup de gueule », car des bricoleurs cherchent des secrets dans des carnets de laboratoire (cf expression de mon ami J.P. Wandemoère) oubliés dans quelques greniers, ou encore ceux qui viennent pour tenter de m’extorquer le nom de la matière première ou le nom vulgaire du sel alchimique... sous peine de me « tailler » une « veste ». Leur métier de journaliste leur permet de proférer de pareilles menaces ! Il serait temps que ses apprentis sorciers chercheurs d’or, avide de mystères comprennent qu’ils feraient bien de se tourner vers eux-mêmes. Certes, je suis prêt à aider les gens sincères (hommes ou femmes) mais de grâce épargnez-moi cette perte de temps à répondre à des songes creux !
Donc, à la lumière du principe anthropique il devient plus aisé de comprendre l’alchimie et surtout l’indispensable oratoire de celui ou celle qui oeuvre au laboratoire. La condamnation en bloc de manipulations apparemment défectueuses doit être précédée d’une interrogation : comment les alchimistes ont pu tirer des principes aussi justes d’opérations aussi fallacieuses. C’est au lecteur de répondre après avoir lu attentivement ce qui précède.
(Attention : article protégé car extrait d’un de mes livres)
Léon GINESTE.
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