Cet article est la troisième partie d’un texte qui en comporte quatre.
Nous disions que la fonction des dents est de réduire en parcelles les aliments. Beaucoup ignorent que la digestion commence là. Si la mastication est un phénomène important, il est souvent passé sous silence qu’à ce stade une enzyme agit sur les sucres, c’est l’amylase salivaire. Sa présence donne de l’importance à la mastication. Plus l’aliment est fragmenté, plus l’amylase peut agir, ainsi que toutes les autres enzymes, et a donc une action importante de préparation à la digestion stomacale. Faites une expérience, mangez une sardine sans trop la mastiquer. La digestion est longue. Mangez une sardine en mastiquant longuement, et vous pourrez constater une diminution de la durée de la digestion. Bien mâcher les aliments allège donc le travail de l’organisme. De ce fait c’est une économie d’énergie et donc une préservation de la santé. Autant le travail du suc gastrique que le transit intestinal (moins de flatulences) est favorisé. De ce fait vous pourrez constater que les pensées deviennent plus claires. La somnolence ou la lourdeur après le repas disparaissent, à la condition évidente de ne pas avoir bu trop de vin… Un dernier point, éviter dans la mesure du possible de manger du pain. Si vous ne pouvez vous en passer choisissez le pain d’épeautre. Au petit déjeuner des galettes de riz sont très adaptées. Pourquoi ce choix ? Parce que le blé actuel est issu de sélections successives (culture dite « recombinatoire ») pour améliorer la grosseur des épis, la rigidité de la tige, etc. qui en font un organisme génétiquement modifié dans le sens de la rentabilité et non dans celui du confort alimentaire. L’épeautre (ou blé des gaulois) en qualité d’ancêtre du blé produit un gluten qui n’a pas d’inconvénients nutritionnels. Certes, ce blé des pays montagneux à hivers longs et rudes est rustique, mais on s’y habitue facilement. Le pain odorant et croustillant que l’on trouve dans nos boulangeries, y compris le pain complet ou celui de campagne, n’est pas recommandé. Il en est de même pour les grillades qui mettent l’eau à la bouche. Lors de la cuisson les molécules de la viande se transforment en un poison à l’odeur délicieuse... Si vous ne pouvez résister au plaisir d’une grillade, alors, tenez le gril verticalement pour que s’écoule le jus et limitez le plus possible la durée de cuisson. D’une manière générale les viandes gagnent à être cuites le moins possible ou à la vapeur.
Là nous retrouvons la raison d’un adage alchimique disant que les minéraux utilisés pour réaliser le Grand Œuvre alchimique, ne doivent jamais avoir été passé par le feu car, disent les adeptes, « le feu tue ». Par exemple, c’est la raison pour laquelle un soufre issu des volcans n’a aucune valeur pour l’alchimiste.
Vous pourriez faire remarquer que dans la croûte terrestre les minéraux sont un jour ou l’autre passés par le feu de la terre. Cette remarque est pertinente. Alors, comment se fait-il qu’ils soient « vivants » ? La réponse est simple, la terre est donneuse de vie et possède la capacité de régénérer, au bout d’un laps de temps parfois considérable, les substances qui sont en son sein. C’est cette particularité qui est à l’origine des statues des Déesses Mères (et les rites de la fertilité qui les accompagnent) et aussi des Vierges noires souvent placée dans des cryptes. C’est pourquoi ces statuettes s’appelaient parfois « Notre-dame de dessous Terre » que l’on aurait pu appeler « Notre-dame de Vie ». Les anciens chrétiens, souvent pétris d’hermétisme, connaissaient cette dimension régénérative de la terre et donc l’importance du monde chtonien. C’est la raison pour laquelle l’Église s’est longtemps opposée à la crémation du corps des défunts. Le concept de seconde mort (par le feu) trouve là son origine. La condamnation au bûcher d’un sorcier était une mort atroce et pratiquement éternelle. Les restes tués et purifiés pouvaient alors êtres livrés à la terre sans risquer de la « polluer », car le souvenir du blasphème était effacé, « purifié » par le feu. Ils croyaient, et cela est confirmé par la biologie, que les tissus conservent une mémoire après la mort, mort qui est un changement d’état dans un processus de décomposition et non de destruction. La vie se poursuit sous une autre forme. C’est ce qu’écrit l’alchimiste Eugène Canseliet en sa préface de la troisième édition du Mystère des cathédrales[1] :
« Voici qui est plus grave : Quand la Franc-maçonnerie recherche toujours la parole perdue (verbum dimissum), l’Église universelle (katholiké) qui possède ce verbe, est elle-même en voie de l’abandonner dans l’œcuménisme du diable. Nulle chose ne favorise davantage cette faute inexpiable, que la craintive obéissance du clergé, trop souvent ignorant, à la fallacieuse impulsion, soi-disant progressive, reçue de forces occultes ne visant qu’à détruire l’œuvre de Pierre. Le magique rituel de la messe, profondément bouleversé, a perdu sa valeur.
A la faveur de cette politique d’incessant abandon, l’hérésie funeste s’installe, dans la ratiocinante vanité et le mépris profond des lois mystérieuses. Parmi celles-ci, l’inéluctable nécessité de la putréfaction féconde, pour toute matière quelle qu’elle soit, afin que la vie s’y poursuive, sous la trompeuse apparence du néant et de la mort. Devant la phase transitoire, ténébreuse et secrète, qui ouvre à l’alchimie opérative, ses étonnantes possibilités, n’est-il pas terrible que l’Église consente, désormais, à cette atroce crémation qu’elle refusait absolument ?
Quel horizon immense, découvre cependant, la parabole du grain confié au sol que rapporta saint Jean :
« En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de froment, tombant en terre, ne meurt pas, il demeure seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruits. » (XII, 24)
Semblablement par le disciple bien-aimé, cette autre indication précieuse de son Maître, à propos de Lazare, que la putréfaction du corps ne saurait signifier l’abolition totale de la vie :
« Jésus dit : ôtez la pierre. Marthe, la sœur du mort, lui dit : Seigneur, il sent déjà mauvais ; car il y a quatre jours qu’il est là. Jésus lui dit : Ne t’ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? » (XII, 69 et 40.)
Dans son oubli de la Vérité hermétique qui assura sa fondation, l’Église, pressentie pour l’incinération des cadavres, emprunte, sans effort, sa très mauvaise raison à la science du bien et du mal, selon laquelle la décomposition des corps, dans les cimetières de plus en plus nombreux, menacerait d’infection et d’épidémie, les vivants respirant encore l’atmosphère alentour. Argument combien spécieux, qui porte pour le moins à sourire, surtout quand on sait qu’il fut déjà avancé, fort sérieusement, voici plus d’un siècle, alors que florissait l’étroit positivisme des Comte et des Littré ! Attendrissante sollicitude enfin, qui ne s’exerça pas en notre temps béni, lors des deux hécatombes, grandioses par la durée et la multitude des morts, sur des surfaces plutôt réduites, ou l’inhumation se faisait attendre, souvent très loin du délai et de la profondeur réglementaires.
En opposition, c’est ici le lieu de rappeler l’observation, macabre et singulière, à laquelle s’appliquèrent, au début du Second Empire, dans un esprit fort différent, avec la patience et la détermination d’un autre âge, les célèbres médecins, toxicologues de surcroît, Mathieu Joseph Orfila et Marie Guillaume Devergie, sur la lente et progressive décomposition du corps humain. Voici l’issue de l’expérience conduite, jusque-là, dans la fétidité et l’intense prolifération des VIBRIONS :
« L’odeur diminue graduellement ; enfin il arrive une époque où toutes les parties molles répandues sur le sol n’y forment plus qu’un détritus bourbeux, noirâtre et d’une odeur qui a quelque chose d’aromatique. »
Nous ne nous arrêterons pas sur la chute vertigineuse de l’Église néo moderniste, mais sur l’inséparabilité dont seule l’analogie et le principe de correspondance permet de saisir toute la dimension. Eugène Canseliet montre l’universalité du processus de putréfaction aussi bien chez les nations, les institutions, les individus constitués de chair et les minéraux :
« Quant à la transformation de la puanteur en parfum, il faut établir la saisissante similitude avec ce que déclarent les vieux Maîtres, à l’égard du Grand Œuvre physique, et parmi eux, en particulier, Morien et Raymond Lulle précisant qu’à l’odeur infecte (odor teter) de la dissolution obscure, succède le parfum qui est le plus suave, parce qu’il est de la propriété et de la vie et de la chaleur (quia et vitae proprius est et caloris). »
En d’autres termes, un cadavre se dégrade et prend la couleur noire et verte en fonction de la même loi que celle qui régit les métaux et métalloïdes qui participent au Grand Œuvre des alchimistes. Les mêmes couleurs et les mêmes odeurs se manifestent, parfois liées à la pollution de notre globe recoagulé pour employer une expression de Paracelse. Il s’agit de cette phase appelée Œuvre au noir, qui dégage une odeur de sépulcre disent les adeptes. Que le lecteur me pardonne de parler de plusieurs plans à la fois.
En Extrême-Orient la crémation est courante, cependant les bouddhistes pensent que la réincarnation en être humain est rare. L’individu doit parcourir un cycle de réincarnation dans les végétaux et animaux (métempsychose) avant de pouvoir redevenir humain. Ce long parcours est le prix à payer pour récupérer une mémoire biologique qui fut gravement démantelée et altérée par la crémation. A chacun de décider s’ils souhaitent brûler… les ailes des papillons.
Dans les milieux spirituels, le corps joue beaucoup trop souvent un rôle secondaire. Il est même parfois considéré comme un ennemi, notamment dans les monastères ou par certains prêtres de l’Église catholique Romaine. Les pulsions sexuelles étant réprimées par des abstinences forcées, il est difficile pour certaines femmes et certains hommes de se contenir, ce qui est à l’origine non seulement de sérieuses névroses mais aussi de crimes tel le viol ou la pédophilie. Ces graves problèmes trouvent leur origine dans l’Ordination des prêtres auxquels l’évêque demande, durant la cérémonie, non seulement l’obéissance absolue (promesse d’obéissance canonique) mais encore de rester célibataire et de pratiquer la chasteté.
Voilà donc nos prêtres castrés pour l’éternité ! Est-ce bien sûr ? Ce que l’on ne sait généralement pas, c’est que la chasteté n’est pas synonyme d’abstinence. La devise de la chasteté dans l’iconographie chrétienne est celle de la tempérance : « J’en use mais n’en abuse. »
En réalité un prêtre de l’Église Catholique Romaine peut donc fréquenter une compagne mais n’a pas droit au mariage, ce qui est humiliant et inadmissible pour les femmes.
Donc, pour son équilibre, le corps a besoin de vivre sa sexualité. Ceci étant dit, en sachant qu’il existe de véritables énuques capable de maîtriser totalement leurs fonctions sexuelles. Ces individus sont très peu nombreux. Mais vouloir transformer en énuque tous les hommes destinés au sacerdoce est un crime car c’est aller à contrario des lois de la nature, c’est « tuer » l’harmonie d’un être vivant qui doit sa vie à la rencontre d’un homme et d’une femme. C’est aussi « tuer » un esprit, cet esprit que les alchimistes appellent Magnésie, lequel est l’arcane majeur de l’alchimie pratique du Grand Œuvre au laboratoire. Et, nous dit Fulcanelli dans ses Demeures Philosophales[2] à propos de cet élève de François Rabelais que fut Louis D’Estissac auteur du symbolisme alchimique de son magnifique château de Coulonges-sur-Autize (Deux-Sèvres):
« Sans lui, sans ce mercure tiré de notre magnésie, nous assure Philalèthe[3], il est inutile d’allumer la lampe et le fourneau des Philosophes. Nous aurons l’occasion de développer plus loin l’arcane majeur du grand art. »
Ne voulant pas plonger le lecteur dans des textes obscurs, je résume en disant que cette magnésie est liée au magnétisme issu d’une substance bien définie qui est à l’origine d’une force qui attire et agrège les substances éparses pour former la future Pierre Philosophale. De cette observation est né le terme alchimique de Coagula.
Sachant que le mot aimer est issu du terme aimant nous comprenons pourquoi l’alchimie est parfois qualifiée d’Art d’Amour.
L’Amour est – trop souvent on l’oublie – une loi universelle qui est au cœur de toute création et donc aussi dans le couple humain capable de générer. Cette particularité fut magnifiquement traduite par le poète Folco de Baroncelli :
« Jeunes gens qui parlez de l’amour
Comme de toute chose agréable et mortelle
Taisez-vous : l’amour est la grande Force éternelle
Qui agrège les mondes et féconde les fleurs. »