La licorne est un animal mythique. C’est est un cheval blanc, pourvu d’une barbichette et portant sur le front une corne rectiligne élancée et torsadée qui est, vous vous en doutez, est une aberration sur le plan anatomique, laquelle souligne par sa seule existence, la dimension symbolique de cette chimère des siècles passés. Elle fut longtemps à l’honneur et considérée comme un animal réel. D’où sa présence dans le timbre des armes d’Écosse, puis dans celui de l’Angleterre, où elle fait face au lion.
Sa représentation la plus connue est celle qui illustre la série des six tapisseries dites de « la dame à la licorne » qui furent réalisées au tout début du XVIe siècle (à l’époque – 1515 – de la bataille de Marignan) et que les amateurs d’art peuvent admirer à Paris, au musée de Cluny. Ce véritable monument initiatique illustre les cinq sens, plus un « sixième » qui porte la mystérieuse devise : « À mon seul désir ». Ce panneau terminal semble représenter le couronnement de l’œuvre ou se trouve représenté une tente d’apparat.
Dans ces tapisseries figurent toujours deux personnages principaux : La dame et la licorne.
Les cinq sens seraient représentés par chacune des cinq tapisseries. Ainsi le toucher l’est par la dame tenant la corne de la licorne d’une main et de l’autre la hampe d’un étendard. L’ouïe nous montre la dame jouant de l’orgue. La vue est la licorne se contemplant dans un miroir tenu par la dame. L’odorat est symbolisé par un singe qui respire le parfum d’une fleur pendant que la dame fabrique une couronne fleurie. Le goût montre la dame qui prend une dragée que lui tend sa servante.
Dans un sens, la dame à la licorne pourrait être une évocation de la Vierge Mère, au sens cosmique du terme, se superposant à la dame des pensées des Troubadours mais aussi à la dame alchimie. En effet, nous la voyons dans la tapisserie du toucher, tenir d’une main la corne par où descend la force ou l’énergie divine et de l’autre la hampe d’un étendard couvert de croissants de lune figurant le monde lunaire empire du démiurge. L’importance de cette tapisserie est mise en évidence par le singe suspendu au-dessus de la corne, ce qui désigne l’expression cabalistique qui la met en évidence car le mot singe est l’anagramme de signe et de cygne, dont la blancheur comme celle de la licorne, nous informe de deux choses essentielles et inséparables : qu’il est question ici de la voie humide, laquelle ne livrera ses secrets que si nous savons interpréter les signes, qui peuvent être cabalistiques. Donc l’image doit pleinement satisfaire notre sens de l’esthétique en même temps que de celui de notre désir de connaissance… « À mon seul désir. »
Il est un fait indéniable qui signe le véritable alchimiste, c’est celui de singer l’œuvre de création, ce que confirme Fulcanelli en remarquable passage de la page 255 du premier tome des demeures philosophales :
« C’est que l’alchimiste, dans son patient travail, doit être scrupuleux imitateur de la nature, le singe de la création, suivant l’expression génine de plusieurs maîtres. Guidé par l’analogie, il réalise en petit, avec ses faibles moyens et dans un domaine restreint, ce que Dieu fit en grand dans l’univers cosmique. Ici, l’immense : là le minuscule. »
Que nous dit la Dame, en tenant la corne de la Licorne si ce n’est de tenir la cornue ? Cette cornue dont on ne saurait mieux spécifier qu’elle doit être à long bec. Quant à la hampe semée de croissant lunaire elle précise que l’artiste doit œuvre sous la lampe lunaire ou sous les rayons de l’astre des nuits. Il s’agit d’un étendard qui s’appelait en vieux français le dragon. D’où l’expression « faire voler le dragon » pour se mettre en campagne et aussi pour œuvrer avec la cornue. Il s’agit donc ici de mettre le dragon dans le bec de la cornue, et nul n’ignore que le dragon n’est autre que le soufre… qui doit voler. Peut-on être plus précis en suivant le sillage du cygne ? Ne me remerciez pas, il faut de temps à autre sortir de ces relations enrichissantes de l’analyse symbolique pour aborder le vif du sujet sur lequel TOUS LES SYMBOLES REPOSENT. Lisez les textes ou les artistes chantent la grâce et la beauté de la Dame à la Licorne… vous ne serez pas plus avancé, si vous souhaitez vous évader des mots, sauf si le hasard vous offre un texte de Jacques Van Lennep.