Dans les sociétés « initiatiques » actuelles, le mot initiation est non seulement galvaudé, mais surtout utilisé à mauvais escient ! Au sein de la quasi-totalité de ces fraternités, se déroule dans un décor symbolique « ad hoc » et « ad honores » à souhait un mauvais théâtre où les acteurs ne connaissent pas leurs rôles. Dans ce contexte étrange et tremblotant, le récipiendaire reçoit en grande pompe, et à la lueur d’un chandelier environné d’odeurs d’encens, un titre ronflant d’initié qui n’est bien souvent que le reflet de son verbe haut ou de sa morne et insignifiante ancienneté.
Soyons réalistes et ne nous laissons pas « embobiner ». Excusez ce terme un peu cru qui porte la marque de mon mouvement d’humeur. En ce domaine éminemment sacré que ceux qui diffusent la fausseté soient conscients qu’ils se forgent de lourdes chaînes, car cette attitude n’est autre que ce péché contre l’esprit dont le Christ affirme qu’il n’est jamais pardonné.
En bref, l’initié n’est pas celui qui a acquis certaines connaissances théoriques ou intellectuelles plus ou moins secrètes. C’est celui qui a œuvré sur lui-même pour parvenir à un degré de sagesse suffisant pour que se manifeste une épiphanie, c’est-à-dire une autre perception spatio-temporelle de l’univers non pas en fonction de théories diffusées par un maître qu’il soit Occidental ou Oriental mais en fonction de son niveau d’éveil, qui ouvre ses capacités d’observation directe au-delà de notre réalité coutumière.
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Les conditions d’un entraînement initiatique ne sont pas liées à la volonté d’un individu, à une sorte de directeur de conscience, ou encore de gourou. Dans le cas contraire, c’est être sur une voie qui ne peut que desservir l’avenir initiatique en lui donnant de mauvais plis difficiles à défaire.
Cette particularité résulte de la nature même du savoir ésotérique. Pour illustrer cette particularité disons qu’un Homme ne saurait devenir menuisier, s’il ne veut pas prendre un rabot ou une scie en main. Il en est de même pour l’individu qui souhaite recevoir une formation initiatique s’il ne consent pas à remplir les conditions que les enseignants de ce savoir considèrent comme nécessaires. Le formateur ne sait que répondre à des conseils qui lui sont demandés. C’est comme cela qu’il faut comprendre ce qu’il dit.
C’est uniquement avec une volonté libre qu’il est possible de parcourir les étapes du chemin initiatique. Si quelqu’un veut recevoir les conseils d’un formateur sans se plier aux conditions nécessaires, il agit comme un homme qui va trouver un menuisier pour lui demander : Enseigne-moi la menuiserie, mais épargne-moi la peine de toucher une scie.
Jamais, un accompagnateur ne saurait proposer quoique se soit si la libre volonté de celui qui entreprend la démarche initiatique n’est pas au rendez-vous. Le désir vague de posséder l’initiation n’est pas un mobile suffisant. Beaucoup de gens ont naturellement ce désir, mais si la démarche repose uniquement sur cela, sans vouloir se plier aux conditions particulières du chemin initiatique, on ne saurait rien obtenir. Je souligne ce point important à l’intention de ceux qui se plaignent des difficultés que présente la formation. Si on ne peut pas ou ne veut pas remplir ces conditions dans toute leur rigueur, il faut renoncer provisoirement. Ces clauses sont rigoureuses, mais ne sont pas dures, du moment qu’elles sont remplies par un acte libre.
Si l’on ne comprend pas cela, les exigences de l’accompagnateur, apparaissent comme une contrainte imposée. La discipline initiatique étant une culture de la vie intérieure, il faut donc que le formateur donne des conseils qui ont des rapports à cette vie intérieure. Cependant on ne saurait considérer comme une contrainte des obligations auxquelles on se soumet librement. Si un étudiant exigeait de son guide : Fais-moi partager ta sagesse tout en me laissant à mes sensations, à mes sentiments et à mes représentations d’autrefois, il réclamerait quelque chose d’impossible. En réalité il ne demanderait qu’à satisfaire sa curiosité, et sa soif de connaître. Hélas, ce genre d’individu est légion, et c’est la raison pour laquelle des courants initiatiques coulent corps et biens et que la tradition occidentale s’est nécessairement occultée. Soyez-en sur, avec de telle disposition il est impossible d’acquérir cette sagesse et cette connaissance que nous ont léguée les vieux maîtres.
Voici maintenant pour mémoire un résumé des sept conditions qui s’imposent au futur initié. Nous les trouvons exprimées de diverses manières dans tout l’orient ancien. Je pense en particulier au Y King noir (occulté) du Tchan.
La première condition est de veiller sur la santé du corps et de l’esprit. Évidemment il ne dépend pas d’un homme d’être bien portant, mais il dépend de lui d’y tendre et de se donner la peine d’y parvenir. Comprenons qu’une connaissance saine ne peut provenir que d’un corps sain. Alors le tabagisme et l’absorption d’alcool nécessitent une maîtrise incontestable.
Je précise qu’un candidat ne sera pas repoussé pour manque de santé. L’essentiel est de mener une vie saine.
Sur le plan physique il s’agit essentiellement d’écarter les influences nuisibles.
Je n’ai pas dit de vivre en ermite. La jouissance fait partie de la vie à la condition qu’elle soit un moyen d’assurer la santé physique ou psychique.
La deuxième condition est directement liée à l’inséparabilité quantique. C’est celle de se ressentir comme non séparé de tout être vivant et de se fait d’avoir conscience d’être un membre de la vie universelle. Par exemple, si je suis éducateur et que mon élève ne répond pas à ce que j’attends de lui, je ne dois pas m’en prendre d’abord à lui, mais à moi ! Cette attitude nécessite d’avoir profondément conscience d’être UN AVEC LUI. L’attitude juste est de s’interroger pour savoir si les faiblesses de mon élève ne sont pas les conséquences de ma manière d’agir ? N’en doutez pas, cette attitude modifie peu à peu la manière de penser tout entière.
Ainsi, un criminel n’est plus jugé de la même manière. Je me dis que ne suis, tout comme lui, qu’un humain. Seule peut-être l’éducation que, grâce à la chance, j’ai reçue m’a préservé du même sort. Et j’en viens à penser que ce frère humain aurait pu devenir tout autre si les maîtres qui m’ont élevé s’étaient occupés de lui… Ainsi devient-on solidairement responsable de l’organisme humanité. C’est DANS LE SILENCE DE L’AME que cette FUSION est cultivée. Comprenez-vous ce que signifie la véritable humilité, celle qui se passe de grands mots et de palabres ?
Il ne s’agit donc pas d’une règle de conduite EXTERIEURE, et à plus forte raison d’ordre syndicaliste ou politique, car en général les agitateurs syndicalistes ou politiques savent bien ce qu’ils veulent exiger d’autrui ; mais ils savent moins bien ce qu’ils doivent exiger d’eux-mêmes…
La troisième condition découle directement de la loi d’inséparabilité et donc de la seconde condition. C’est celle de prendre conscience que les pensées et les sentiments ont autant d’importance pour le monde que les actions.
Ainsi il est tout aussi néfaste de haïr son semblable que de le frapper. Ces deux actes ne sont ni séparés ni séparables ! Cela permet de comprendre qu’en travaillant sur notre perfectionnement on ne travaille pas seulement pour soi mais aussi pour le monde. Donc, si mes pensées et mes sentiments sont purs, le monde en tire autant de profit que si mon comportement est juste.
Il est un fait incontestable : Tant que l’importance de la vie intérieure pour le monde n’est pas bien encrée dans notre tête, il est impossible d’être un initié. De même cette impossibilité est manifeste si on se prend pour le nombril du monde !
Pour résumer, soyons persuadés qu’un de nos sentiments produit autant d’effet qu’un mouvement de la main.
La quatrième condition consiste donc à acquérir la certitude que notre véritable essence ne réside pas à l’extérieur de nous mais en notre intérieur. C’est encore le résultat de l’inséparabilité. La base de la discipline initiatique est d’avoir conscience d’être une âme et un esprit, que sa véritable essence ne réside pas en dehors, mais en dedans de soi. Surtout, et cela est capital car sujet à de nombreux abus, ne jamais imposer à son entourage quelque chose que celui-ci ne puisse comprendre. Cependant il importe de rechercher un équilibre entre ce que les circonstances extérieures imposent et ce que l’on juge bon pour notre comportement. Ainsi un initiable est complètement dégagé du désir de faire seulement ce qui convient à son entourage. Mais ce même entourage il le respecte profondément car il est une source d’apprentissage de choses susceptibles d’être utile et profitable.
Telle est la condition pour accéder à la « balance spirituelle » si bien exprimée par « Les livres des balances » de l’alchimiste arabe Jabir ibn Hayyan (Jabir fils de Hayyan) connu en occident sous le nom de Géber. Sur l’un des plateaux de cette balance se trouve un « cœur ouvert » aux besoins du monde extérieur ; sur l’autre plateau, une « fermeté intérieure » et une « ténacité à toute épreuve ».
La cinquième condition est la persévérance dans l’accomplissement d’une décision une fois prise. La seule circonstance pour s’interrompre dans l’accomplissement d’une décision est de constater qu’il s’agit d’une erreur.
Toute décision est une force qui peut agir différemment de ce que l’on escomptait, mais elle agit toujours à sa manière.
Les actions qui sont nées du désir et de la passion sont sans valeur sur le plan initiatique. En ce monde-là, seul l’amour pour l’action est déterminant. L’échec n’aura pas de prise quand on n’attendra plus les résultats extérieurs des actes mais à trouver la satisfaction dans les actes eux-mêmes. C’est une offrande au monde de tous nos actes que l’Église ancienne et alchimique célèbre sous le nom d’offertoire. La voie initiatique passe obligatoirement par cette sorte d’abnégation.
La sixième condition est de développer un sentiment de reconnaissance envers tout ce qui arrive. Ayons conscience que notre vie est un don de l’univers… Que ne devons-nous pas à la nature et aux autres Hommes ! Ces pensées doivent devenir naturelles. Celui qui ne les cultive pas est incapable de nourrir en lui l’amour universel…
La septième condition réunit toutes les conditions précédentes.
Voilà, le résumé de la situation pour ceux qui souhaitent parvenir à l’initiation. Si quelqu’un a la volonté ferme et sincère de remplir ces conditions l’essentiel n’est pas de les réussir toutes, mais d’essayer, de toujours essayer ! C’est déjà le début du sentier.
Comme tout acte de la vie intérieure doit s’exprimer par un acte extérieur, telle est la raison du laboratoire d’alchimie ou l’adepte expérimente son inséparabilité avec la matière sur laquelle il œuvre. L’alchimiste est la matière sur laquelle il travaille et le reflet de sa réalité. Dans ces conditions il est guidé même si cetains affirment qu’il se trompe ! Comprenez-vous pourquoi ceux qui oeuvrent au laboratoire sans tenir compte des sept degrés de purification sont de pauvres ères qui travaillent dans le vide qui les caractérise ?
Comprenez-vous aussi pourquoi l’Église catholique perd toute crédibilité après avoir supprimé les sept ordinations de ses ecclésiastiques correspondant à leur montée vers le sacerdoce ?
Le noyau atomique lui-même est entouré de sept niveaux énergétiques que traduit la classification périodique des éléments. Sachant que nous ne sommes pas séparés de l’atome, les sept degrés initiatiques sont donc issus de loi naturelle auquel nul candidats à l’Adeptat ne sauraient déroger.
Bon courage et à bientôt.