Après les articles précédents axés sur des concepts qui restent théoriques et donc difficilement vérifiables, il est temps d’accéder à une dimension pratique. Sans cela tout ce que j’ai raconté pourrait être sujet à caution. Dans ce monde de l’ésotérisme où l’imagination tend à se débrider, il existe suffisamment de théoriciens sur la dimension spirituelle pour me faire passer l’envie de me trouver dans le troupeau des élus…
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uand un alchimiste ou un ésotériste sérieux œuvre convenablement sur lui-même, des changements s’opèrent en lui, et cela bien avant d’œuvrer sur la matière. Notez bien qu’il ne s’agit pas d’expériences du type « paranormal », mais du résultat d’une prise de conscience, d’un développement reposant sur la dimension spirituelle, dont je souligne au passage qu’il est à la portée de tout le monde. C’est une préparation nécessaire fort bien traduite dans le premier chapitre des Noces chymiques de Christian Rose + Croix :
« Prend garde à toi,
Examine-toi toi-même ;
Si tu ne t’es pas purifié assidûment
Les noces te feront dommage.
Malheur à qui s’attarde ici-bas.
Que celui qui est trop léger s’abstienne. »
(p6 des éditions Chanteloup, St-Jean-de-la-Ruelle, 1989.)
Le résultat du travail sur soi paraît, au premier abord, inquiétant pour l’état de santé mental. C’est la perte de la mémoire que l’on a tendance à mal interpréter en mettant ce handicap sur le compte d’une pathologie ou de la sénilité. En effet, il est incontestable que la mémoire adaptée à la vie extérieure se perd. On a tendance à devenir ce que l’on appelle un paumé avec les reproches qui vont avec ! Car le conjoint, ou les parents, ne voit pas cela d’un bon œil et vous prendra un rendez-vous chez le médecin pour détecter un éventuel début d’Aizheimer.
Ce « dommage » (qui n’en est pas un) peut-être réparé si nous faisons attention à développer un intérêt plus profond, pour tout ce que la vie nous apporte et à y participer davantage. Il est capital de commencer par apporter aux choses qui ont de l'importance pour nous, une attention riche de sensibilité. Auparavant nous avions développé une mémoire mécanique qui travaillait aussi parfois d'une manière sure pour des choses qu'il fallait remarquer sans toutefois les aimer particulièrement ; mais cela cesse. On remarque notamment qu'avec le développement ésotérique on oublie facilement les choses ; elle fuit aussitôt, ces choses pour lesquelles on n’éprouve aucun intérêt sentimental, que l'on arrive pas à aimer, auxquelles notre âme ne s'unit pas. Par contre, celles auxquelles l’âme s'unit, restent d'autant mieux. Il faut donc chercher à créer systématiquement ce lien psychique.
On peut faire l'expérience suivante : supposons une personne qui dans sa jeunesse, alors qu'elle n'était pas encore venue à l'alchimie, ait lu un roman qu'elle n'a pas oublié par la suite et qu'elle peut toujours raconter à nouveau. Plus tard, ayant commencé le développement ésotérique, elle lit un autre roman ; et celui-ci s'efface aussitôt de sa mémoire, elle est incapable de le raconter. Mais s'il s'agit d'un livre dont on est convaincu qu'il a une grande valeur et qu'on le lit, et qu'ensuite on recherches à se le remémorer immédiatement, non seulement à se le rappeler, mais à s’en souvenir à rebours, de la fin jusqu'au commencement ; si on prend la peine de revenir une deuxième fois sur certains détails, si l'on s'y attache et si, de plus, sur une feuille de papier on note quelques brèves pensées sur le sujet, et qu'on recherche à se demander à quel point de vue on peut s'y intéresser particulièrement, on verra que par ce moyen on a développé un autre genre de mémoire. Ce n'est plus la même mémoire. La différence se remarque nettement à l'usage : quand on se sert de la mémoire mécanique, les choses remontent dans notre âme comme les souvenirs, mais quand on cultive systématiquement la mémoire dont je viens de parler, en tant qu'ésotériste, les choses que l'on a évoquées de cette façon se présentent comme si elle restait arrêtée dans le temps. C’est un tableau vivant, animé. On apprend à voir dans le temps, à contempler réellement les choses dont on se souvient ; on remarquera qu'elles deviennent de plus en plus imagée, que la mémoire devient de plus en plus imaginative. Si l'on fait ce qui vient être indiqué, disons avec un livre, il suffit, quand il est nécessaire de replacer la chose devant le regard de l’âme, d'évoquer quelque chose qui s'y rattache et on verra pour ainsi dire le moment du temps où l'on était occupé à lire le livre, on se verra en train de le lire. Ce n'est pas le souvenir qui revient, c'est l'image entière qui monte dans la conscience. On pourra alors remarquer que, tandis qu'auparavant on ne faisait que lire le livre, maintenant ce sont les choses elles-mêmes qui apparaissent. On les voit comme éloignés dans le temps ; la mémoire devient une vision d'images présentes dans un certain éloignement du temps.
C'est là, le tout début, le plus élémentaire évidemment, pour apprendre à lire dans la mémoire universelle, ce que certains appellent la chronique de l’Akasha : la mémoire est remplacée par l'acquisition d'une faculté de lire dans le temps passé. Et il peut arriver que quelqu'un ayant fait un certain développement ésotérique perde presque entièrement la mémoire sans que cela le gène en rien, car il voit les choses se reconstituer en remonte dans le cours du temps. Dans la mesure où il s'est lui-même unit à elle, il les voit avec une netteté particulière. Ce que je vous dis là ne peut que faire rire celui qui n'est pas ésotériste par ce qu'il n'a aucune idée qu'il puisse se relier à ce que peut lui dire un adepte de l'ésotérisme, qui assure avoir perdu le souvenir d'un fait et savoir pourtant fort bien ce qui s'est passé, parce qu'ils le voient dans le passé. Personnellement cela ne me fait pas rire du tout, car ce genre de mémoire m'a tiré une épine du pied lorsque j'étais étudiant.
Comme votre serviteur aimait la vie, il est devenu, comme il se doit, biologiste. Mais les études offrent parfois des moments désagréables, notamment la mémorisation de certaines parties anatomiques des insectes. Autant chez le crustacé que chez le moustique vous observez des pièces buccales en n’en plus finir dont la mémorisation est rébarbative. Lors de l'examen le sujet porta sur le nombre et la fonction de ses fameuses pièces buccales. Votre serviteur avait tout oublié. N’ayant rien à perdre, il s’est appuyé nonchalamment contre le dossier de sa chaise et a pensé au moment où le professeur lui dispensait son cours. Et d'un seul coup comme si une vidéo se déroulait voilà qu’il assista à nouveau au cours en présence de l’enseignant au tableau sur lequel crissaient les marqueurs au feutre ! Il copia donc ce que le prof. racontait. Ce qui lui a permis d'avoir une excellente note alors qu’il avait tout oublié !
Évidemment, cette transformation de la mémoire est liée ordinaire a quelque chose d'autre : elle est liée au fait qu'une autre manière du juger se forme pour ainsi dire dans notre être intérieur. Nous ne pouvons notamment pas acquérir ce regard rétrospectif sans prendre en même temps une certaine attitude en face de ce que nous avons vécu là. De sorte que celui qui, à une époque ultérieure, revoit une chose qu'il a accomplie, comme il est dit plus haut à propos du livre, quand il se voit ainsi lui-même, il va de soi qu'ils doit juger s'il était pertinent où non de faire ce qu'il a fait. À cette vision rétrospective, et avec la même force qu'une autre expérience, s'unit nécessairement une sorte de jugement sur soi ; on ne peut faire autrement que se confronter avec son propre passé : on se fait des reproches sur un point, on est joyeux d'avoir réussi sur un autre, bref, on ne peut que juger le passé que l'on observe ainsi. De sorte qu'on devient en fait un juge plus lucide de soi-même et de sa vie passée. On sent pour ainsi dire s'animer en soi le corps invisible, dont j'ai déjà parlé dans un article précédent, on sent ce corps invisible, on corps éthérique, présent en soi comme quelque chose qui vit en nous et qui nous révèle notre propre valeur. Oui, un changement s’opère dans le corps éthérique tel que, souvent, on ressent l'obligation d'une telle vision rétrospective, et qu'on regarde ceci ou cela pour apprendre d'une manière toute naturelle à juger sa propre valeur d'homme. Tandis qu'autrefois on vivait sans le percevoir, maintenant le corps éthérique est perçu par ce regard projeté sur notre propre vie ; et notre vie personnelle devient peu à peu plus pénible quand on fait un travail ésotérique. On doit aller au devant du fait que cette vie ésotérique nous donne de la peine parce qu'on est forcé d'observer de plus près ses qualités et ses forces, ses erreurs et ses imperfections.
Pour développer son corps éthérique on doit d'abord supprimer les impressions des sens et éliminer aussi la pensée ; éteindre peu à peu la pensée abstraite et atteindre à une pensée concrète et imagée. De l'acte de penser on doit passer aux pensées elle-même, et ensuite, laissez aussi tomber celles-ci. Telle est le sens de la métanoïa.
Mais alors, quand le vide de sa conscience est établi, quand il a laissé tomber ces pensées l'homme sent disparaître les pensées qui vivent en lui ; Il sent se fondre ce qu'il avait jusqu'alors produit par son propre effort comme sa propre pensée, et grâce à cela il se sent merveilleusement animer par des pensées qui se déversent en lui, venant comme de mondes inconnus, qui sont là, présentes pour lui.
C'est dans la vie de l'âme humaine un passage que l'on peut caractériser en disant (je vous prie de ne pas mal comprendre) : l'homme cesse d'être intelligent et commence à être sage. Ces quelque chose à quoi se rattache une notion très précise. L'habileté que l’on acquiet intérieurement par le jugement et l'intelligence est un bien terrestre qui disparaîtra avec la Terre...
« Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux » disait un Nazaréen assis tout en haut d’une colline. Quel magnifique cadeau il faisait en révélant cela !