BALADE ALCHIMIQUE CHEZ LES CATHARES
Il y a sept siècles le troubadour Marty chantait, après la tragédie Cathare et le bûcher de Montségur sur lequel furent brûlés vifs les « hérétiques » albigeois:
« Après sept cents ans les lauriers refleuriront sur le sang des martyrs »
Cette seule phrase montre combien notre poète troubadour initié au sein de sa confrérie connaissait les cycles de la vie fort bien expliqués, dans notre actuel, par Rudolf Steiner en ses multiples conférences sur la biographie. Car le sept caractérise autant les cycles biologiques que temporels. Et à ce cycle aucune civilisation n’échappe, et l’alchimiste lui-même doit s’y plier puisque ses réalisations restent indissolublement liée aux lois de la nature. D’où la présence de ce nombre, moult fois répétée dans les différents livres de la Bible, autant dans l’ancien que dans le nouveau Testament. Et l’on saisit pourquoi l’Audois, Déoda Roché, fit fructifier depuis son village d’Arques, les conseils du grand philosophe et mystique Autrichien. Telle est donc la raison essentielle de la participation active, de cet infatigable chercheur du monde suprasensible, au renouveau de l’esprit et de la spiritualité Cathare.
Une semaine de siècles s’était donc écoulée et ce fut, pour le grand public, la découverte de la tragédie cathare grâce à la première émission télévisée qui indigna le monde entier. Comment un pareil massacre a pu se produire avec autant de cruauté et d’injustice ? Ce drame marqua, en réalité, l’invasion et l’annexion de la civilisation occitane par les Français sbires sanguinaires de Simon de Monfort exécuteur des hautes œuvres des papes et des rois.
Qui peut oublier la fin terrible des innocents assassinés dans leur prière au pied de l’autel ? Massacre terrible des 20 000 habitants de Béziers ! Et cet acte ignominieux de boucher abject en une seule journée ! Comment oublier les cinq mille habitants de Marmande occis jusqu’au dernier ! Qui peut oublier cet ordre infâme : « Tuez-les tous Dieux reconnaîtront les siens ! » ? Désignant par là le massacre de toute l’Occitanie pour se l’approprier… Au nom de l’amour ! de quel amour ?
« Les clercs se donnent pour bergers
Et ce sont des assassins
Sous leur air de sainteté. »
Ainsi chantait, le soir sous les toits de chaume, le troubadour Peyre Cardinal.
Des promoteurs immobiliers insensibles à ce genre de crimes, individus sans foi ni loi, qui massacrent bien des paysages pour ne parler que de cela, s’avisèrent un jour de baptiser le lotissement d’un village de l’Aude : « Simon de Monfort ». La réponse violente et indignée ne se fit pas attendre et les avocats plaidèrent ardemment pour que le nom de cet assassin n’insulte pas ceux qui habitent les lieux… Le plaidoyer fut si convaincant que les promoteurs furent obligés par la justice de changer le nom du pâté de maisons. Cela montre combien actuellement l’indignation est à fleur de peau, comme si au fil des générations la mémoire génétique, elle-même s’exprimait avec feu.
Les actuels « nordistes » n’ont évidemment aucune responsabilité dans cette tragédie qui s’apparente plutôt aux miasmes des puissances chthoniennes de destruction. Peut-on y voir un rapport avec le dragon de Tarascon, de Tarascon-sur-Ariège ? La tarasque vaincue et domestiquée par sainte Marthe à Tarascon, face à Beaucaire, sur les rives de l’embouchure du Rhône resurgissant libéré mille ans après ? Un rêve ? Peut-être…
Les ouvrages traitant du catharisme ne cessent de se multiplier à tel point que le nom est devenu un argument nauséeux de marketing. Les villes sont cathares, les châteaux le sont aussi ainsi que les vins… à quand le slip cathare ?
Quand j’usais mes fonds de culotte sur les bancs d’une école communale de Narbonne (pas encore cathare) l’institutrice me parlait des croisades et, bien sûr, de la « croisade des Albigeois ». Et le sujet était traité si brièvement que je m’imaginais que ça s’était déroulé, comme les autres croisades, en terre sainte… Destruction volontaire, oubli imposé pendant sept siècles à notre république laïque par l’inflexible morale de l’Inquisition. Il a fallu un téléfilm en blanc et noir des années soixante pour que l’opinion s’éveille et réalise la duplicité ou l’ignorance (un comble) de la laïcité et de l’école publique face à un génocide tricolore ! C’était probablement un détail de l’histoire comme certains irresponsables l’affirment à propos des fours crématoires de la dernière guerre mondiale !
Cette vérité niée, bafouée, perdue, renaît à peine de nos jours dans l’esprit des femmes et des hommes d’OC. Remontant aux sources, ils se souviennent de la sagesse, de la beauté, de la mystique qui rayonnait de l’Occitanie médiévale, pays de tolérance, pays de liberté. Le sang et les bûchers étouffèrent sa terre, mais son âme est toujours la même, avide d’absolu, assoiffée de Lumière, éprise de pureté, cette âme qui avait accueilli le catharisme au nom de la liberté et de la mystique universelle.
Curieusement existe encore, de nos jours, un refus larvé de la part des « nordiste » qui parlent plus volontiers de la Bretagne, des Cht’i ou des Catalans ou encore des Basques… Le seul prix Nobel de nos langues régionales, Frédéric Mistral, n’est plus. Air bus le remplace, c’est bien suffisant !
Quand j’étais apprenti menuisier au centre d’apprentissage de Castelnaudary (aujourd’hui lycée Andréossy) nous dissertions sur les lettres de mon Moulin d’Alphonse Daudet quand l’un de nous interrogea le prof sur Frédéric Mistral. Il y eut un moment de silence quand tomba la condamnation d’avoir proféré ce nom : « Mistral, c’est autre chose ! ». En d’autres termes cet ami de Daudet, son compagnon de poésie était « autre chose » ! Quelle autre chose ? Alors que de simples apprentis pratiquement illettrés en devinaient la parenté. La conclusion s’impose: Mistral est un empêcheur de tourner en rond depuis qu’il reçut, en 1914, le prix Nobel de littérature pour sa poésie occitane ! Quel camouflet pour les instituteurs de l’indivisible république qui punissaient les élèves des écoles communales quand ils parlaient cette langue pathologique dont l’ignominie était non seulement d’être hérétique pour l’Église mais aussi pour la République!
Qu’elle était donc la substance de cette « hérésie » cathare si puissante qu’il fallut, pour la combattre, déchaîner les foudres des monstres avides de pouvoir de ces porte-épées ancillaires lèche-bottes de l’Église romaine et assassins au service des rois ?
On a, maintes fois, tenté de rattacher la Catharisme aux religions dualistes iraniennes de Zoroastre, de Manès, et par-delà elles, au Bogomilisme. En fait de nombreuses doctrines ont, avant le catharisme parcouru la terre occitane dont toutes n’étaient pas d’inspiration orientale comme le Priscillianisme, cette chrétienté (son fondateur Priscilla était évêque) très influencé par le gnosticisme, mais on ne lui pardonna pas d’accepter les femmes au sacerdoce. Nous avons aussi le Montanisme qui refusait toute hiérarchie ecclésiastique et se référait à l’évangile de Jean. Nous voyons à travers ces deux exemples que les gens d’OC cherchaient un christianisme authentique. Cet aspect se confirme quand on tente de situer le catharisme dans le complexe de ses lieux initiatiques que sont les grottes et spoulgas[1] du Sabarthez, de l’étudier sous un angle nouveau : celui du symbolisme et de la croyance ésotérique des Bons-Hommes, comme en appelait les Cathare à cette époque là, car leur bonté était proverbiale et, disons-le, inversement proportionnelle à celle des Hommes d’Église d’alors.
C’est en effet du Sabarthez, cœur des Pyrénées ariégeoises, que partait le rayonnement de la « foi » des cathares. Plus particulièrement des grottes-églises d’Ussat-Ornolac où le néophyte passait quatre années durant lesquelles il était formé pour parvenir à se détacher progressivement de diverses choses qui l’entourent y compris la matière. En cela il est vrai que cette démarche se retrouve en orient y compris dans les Églises chrétiennes. Par la suite, sa progression était plus solitaire faite essentiellement grâce aux symboles gravés à même les parois des nombreuses cavités qui s’ouvrent au flanc de la montagne sacrée.
J’entends les francs-maçons de toutes obédiences manifester leur bruyante approbation. Respectez votre tablier ! Calmons-nous ! Car faudrait-il savoir si les cathares et les francs-maçons donnaient un même sens aux symboles.
Si pour le franc-maçon le symbole est l’objet de multiples réflexions et méditations, il n’atteint jamais la dimension réellement cosmique qu’il revêt quand il est appréhendé au-delà de la sphère intellectuelle de l’analogie.
Pour m’exprimer sans ambages je dirais que la réflexion analogique est bien, mais il y a mieux, beaucoup mieux. Pour cela, encore faut-il saisir ce qu’est l’intelligence, ne pas la limiter à notre étincelante cervelle plus ou moins apte à établir des rapports entre les choses.
J’ai montré depuis longtemps, notamment dans Holoscopie de la spiritualité Occidentale, combien nous étions pourvus d’une forme de psychisme capable de parvenir à des conclusions justes sans passer par un raisonnement logique. J’en ai donné de nombreux exemples que je ne rappelle pas ici. Autant les neurosciences que les traditions Hindoues peuvent vous en informer. Inutile pour saisir cela d’aller fréquenter un ashram et de faire des suppositions « serpentesques » entre la Kundalini et les Chakras ! Restons chez nous dans l’odeur des champs de lavande…
Le symbole, tout comme les analogies spontanées qui permettent d’être à l’aise dans l’univers cabalistique de la phonétique, nécessite la même prise de conscience qui est un véritable éveil. À cette prise de conscience, il est impossible d’y parvenir si l’on ignore que nous sommes pourvus de deux intelligences : celle de notre encéphale cérébral et celle (colossale) de notre corps. Le symbole sert d’intermédiaire avec l’intelligence du corps.
Les biologistes n’ignorent pas l’existence de cette intelligence car certains animaux invertébrés n’ont pas de structures nerveuses siège d’une intelligence et, pourtant, ils ont de la mémoire. Les scientifiques parlent alors de mémoire musculaire…
Le corps ne communique pas avec les mots que nous utilisons, d’où le symbole en qualité, « d’interprète » en quelque sorte qui transforme les lettres de notre alphabet en concepts qui peuvent être « entendus » par le corps.
Le corps ne réagit pas comme nous le ferions avec notre psychisme, il est lent, très lent, il est difficile de capter son attention car depuis notre naissance nous l’ignorons et la religion n’as pas arrangé les choses. L’éveil du corps va donc transiter par la redondance, par l’observation patiente d’une même chose. La patience est donc une qualité maîtresse.
Informer patiemment votre corps en observant un symbole en redéfinissant lentement son sens intellectuel est le seul chemin. Prenons conscience que nous établissons un contact avec une sorte de puissant génie analogue à celui qui sort de la lampe d’Aladin dans laquelle il est enfermé depuis des temps immémoriaux. Beaucoup de contes font référence à cet être endormi.
Non, demain (après 15 minutes de concentration) cela ne saurait arriver puisque ce processus demande du temps et s’intègre à l’initiation fondamentale à laquelle aucune école de mystères ne saurait déroger autant l’antique Éleusis que les centres initiatiques des troubadours ou des cathares. Telle est la clé de toute mystique et c’est aussi l’une des raisons pour laquelle René Alleau appelle l’alchimie « mystique expérimentale » (In Aspects de l’alchimie traditionnelle »)
Donc, la progression de l’initié cathare était faite de méditation sur les symboles comportant un sens alchimique incontestable. L’un de ces symboles, gravé devant le « grotte du midi » est particulièrement représentatif.
Il s’agit d’un double triangle au sommet orienté vers le bas et dirigé vers une coupe contenant la lettre M.
Au centre des deux triangles est une sorte de blessure d’où « s’écoulent » cinq traits verticaux.
L’ensemble du dessin est surmonté par la voûte céleste terminée par un croissant de lune.
Le triangle double insiste sur le double sens de l’élément eau dont c’est le symbole traditionnel que l’on trouve dans la nomenclature des anciens chimistes. L’un de ces sens désigne l’eau de nos rivières ; l’autre tout ce qui est liquide y compris les métaux fondus.
Ces deux triangles désignent un creuset dans lequel est l’initiale M de la matière ou Matéria prima. Au cœur du triangle est une blessure d’où s’écoulent cinq filets ou quintessence.
Cela se déroule sous l’onde céleste désignée par la sinusoïde pointée symbole de la régularité du phénomène ondulatoire. Le soleil réfléchissant son rayonnement sur la lune se couche sur l’horizon alors que se lève l’astre nocturne sous les nuages. Sa lumière polarisée est associée à un rayonnement appelé mercure universel, seul capable d’aider à réaliser le grand Œuvre.
Est-de tout ? Non ! encore faut-il savoir pratiquer la langue inverse et de ce fait placer le haut en bas et inversement !
Ce symbole doit donc être aussi lu à l‘envers où le double triangle d’eau devient double triangle de feu désignant le feu du foyer et le feu céleste ou mercure universel. Sur le sommet du triangle double n’est plus une sorte de creuset mais la voûte céleste avec non plus un M mais le W qui caractérise la constellation de Cassiopée proche du pôle nord, ce qui montre que cette orientation (en entonnoir ?) permet de capter le mercure universel. De la voûte céleste descend ce mercure sous la forme des cinq traits verticaux (générateurs de quintessence) qui vont être recueillis dans une coupe (graal ?), cette « vibration » se transmet au soleil par les ondes supérieures qui lui-même la communique à la lune. Jeux de miroirs donc. Le bas du symbole est une barque qui rappelle les dessins égyptiens, barque qui navigue sur l’eau céleste dont les sept rames s’enfoncent dans les flots temporels indissolublement liés aux périodes septénaires qui caractérisent la « semaine des semaines » durant laquelle l’alchimiste fabrique son œuf ou pierre philosophale… « Après sept cents ans les lauriers refleuriront sur le sang des martyrs » oui, « l’or y est » dans la fleur du septénaire qui se superpose au septentrion.
Dernier point à propos des nuages trilobés qu’ils soient blancs ou noir, il représentent les trois corps : sel, soufre et mercure ont le blanc et le noir sont de couleurs essentielles.
Beaucoup de lectrices et lecteurs vont être surpris et n’accepterons probablement pas ma conclusion que voici :L’école initiatique cathare était chrétienne !
Un fait le montre. Le chrisme (initiales du Christ) qui se trouvait autrefois sur le mur, AU-DESSUS DE LA GRANDE PORTE de la grotte de Bethléem, et proposé à la méditation des futurs cathares, fut volé.
Pour éviter toute interrogation sur « l’hérésie » et la découverte que des chrétiens en assassinèrent d’autres, ce chrisme fut transférée par les ecclésiastiques. Ils le scellèrent dans un pilier de l’église d’Ornolac… Triste reconnaissance !
Le catharisme était l’Église de connaissance (à l’instar de l’Église templière) qui fut détruite par l’Église des croyants partisans du jihad ou guerre saint dont nous avons des aperçus actuellement dans le monde musulman où les croyant massacrent ceux qui ne croient pas, car ils s’estiment les seuls dépositaires de la vraie foi.
La destruction du catharisme fut donc un violent refus par l’Église des croyants refusant d’accepter que puisse exister une Église de connaissance à caractère initiatique. Ce fut donc la guerre sainte comme on en voit actuellement dans les pays musulmans, avec les mêmes intransigeances et atrocité génératrice de charniers.
Que les choses soient claires, je vous ai donné mon opinion qui vaut ce qu’elle vaut. Mais je me suis bien amusé.
Avec toute mon amitié.
[1] Spoulga terme provenant de l’Occitan. Il désigne des grottes fortifiées placées en hauteur. On en compte sept en Ariège.