Pour ceux qui me l'on demandé je signale la sortie de mon livre (cet été) de 450 pages environ, illustré avec de
très nombreuses photos, sur Montpellier alchimique (titre provisoire) aux éditions Fortuna.
Quand j’étais enfant, j’avais un missel luxueux, qui devait m’accompagner jusqu’à ma première communion que l’on appelait à cette époque communion solennelle. Ce livre à tranche dorée
était l’un des derniers vestiges du naufrage dans la misère de ma riche famille maternelle. Il était pourvu de belles fermetures en argent ciselé et orné à chaque page d’illustrations pieuses en
couleur. Dois-je vous avouer que le texte était pour moi hermétique car je ne comprenais pas grand-chose à ce que l’on me racontait le dimanche à l’église (le texte était parfois en latin). En
tout cas, dans son rôle de guide des fidèles il dictait tout ce qu’il fallait faire pour participer convenablement à la messe. Tous ces conseils étaient hors de ma portée car je vivais la
religion dans l’indifférence si ce n’est dans un profond ennui. Et pourtant il devait m’être utile ce bel ouvrage car un jour j’ai lu dans ses arabesques fleuries une phrase qui me laissa
perplexe et fut à l’origine de mon départ vers une conquête qui n’est pas encore achevée. Ce conseil laconique et sans fond le voici : « Mettez-vous en présence de
Dieu. ».
Je m’interrogeais longuement et des années durant sur la manière de parvenir à cette présence divine. Aucun prêtre n’a su me répondre convenablement. C’est d’ailleurs essentiellement pour cela que plus tard j’ai déserté l’Église. Il m’a fallu 25 ans pour découvrir comment faire, tout en restant chrétien. Évidemment je ne suis plus revenu à l’Église car un manquement pareil laissait supposer des incompréhensions et des incompétences trop graves pour que je puisse accorder crédit à l’enseignement des ecclésiastiques catholiques.
Un phénomène analogue, mais dans un autre registre cette fois, s’est produit lorsque j’ai rencontré des gens férus d’ésotérisme qui affirmait péremptoirement, et avec cette superbe dont ils ont le secret, qu’ils évoluaient dans la plus grande tolérance.
Oui, j’en ai beaucoup entendu parler de la tolérance par ceux qui ne manquaient pas, lorsque l’occasion se présentait, de faire preuve d’intolérance, cela évidemment à leur insu, car ils ignoraient sur quoi repose cette attitude si précieuse pour construire ce qu’il appellent le temple de l’humanité.
Curieuse manière de procéder qui consiste à mettre la charrue devant les bœufs puisqu’il est question de construire un temple de l’humanité avec des humains qui ne sont pas construits. C’est comme si l’on voulait bâtir une maison avec des pierres défectueuses, pour ne pas dire plus. Je vous laisse le soin de deviner la majesté de l’effondrement.
À propos de la tolérance trop souvent revendiquée, que je préfère appeler respect, c’est un terme que certains centres d’ésotérisme prennent pour bannière. Je m’interrogeais, car ce mot me paraissait dépourvu d’une filiation, d’une origine. Impossible de savoir à partir de quel concept, de quel mouvement de l’âme il procède.
Généralement il repose sur de bonnes et louables intentions qui ne sont en fin de compte que des mots, dont je n’ai jamais eu l’occasion de connaître le processus profond qui permet d’une manière naturelle de proposer ses opinions sans les imposer.
Je n’ai pas l’intention de philosopher sur ce sujet pour deux raisons, la première c’est que je ne suis pas philosophe, la seconde est qu’élaborer un développement philosophique m’ennui profondément et me fatigue. Peut-être faudrait-il que je me soigne pour ça ?
J’ai découvert fort tard qu’il était nécessaire de préparer l’être à la tolérance, tout comme on le prépare à vivre sa vie de femme ou d’homme, en lui faisant rattacher les rapports humains à ceux de ses relations qu’il aime le plus : parents, frères, sœurs... Ainsi, l’être parvient peu à peu à considérer les êtres qui traversent sa vie avec le même amour objectif que celui qu’il tourne vers des êtres aimés.
Évidemment tout le problème consiste à apprendre à gérer les déceptions qui ne manquent jamais de se manifester. C’est là que j’ai découvert le secret de la petite phrase : « Mettez-vous en présence de Dieu »…
Je ne vais pas vous citer une parole de l’évangile, même s’il est un passage qui « colle » fort bien à ce que je viens d’écrire. Ce serait trop facile… La déduction est que la tolérance intérieure, concrète, indéracinable et jamais prise à défaut ne peut que reposer sur la connaissance elle-même.
Cet amour objectif que nous nous efforçons d’atteindre est le socle indispensable de la connaissance, sans cela, la connaissance perd sa noblesse et n’est rien d’autre qu’un moyen de se donner des sensations et l’on devient incapable de générer la tolérance.
N’en doutez pas, celui qui dans la connaissance ne cherche que ce qui lui plait n’obtient pas la véritable connaissance et n’accède jamais à la tolérance !
Nous voilà donc au cœur du sujet. On ne peut comprendre l’ésotérisme et la mystique et donc progresser dans la connaissance si on veut rester dans la disposition intérieure avec laquelle on reçoit des idées qui nous laissent extérieurement indifférents, comme les mathématiques, la chimie ou la physique. On ne peut saisir que si l’on commence par préparer son cœur.
Fidèle à cette attitude d’indifférence nous reconnaissons 90% des ésotéristes de France et de Navarre qui croupissent sous le prétexte nobles qu’ils avancent à leur rythme ! Oh-là-là ! Qu’est-ce qu’ils parlent bien les cuistres ! Cela évidemment leur donne du gallon par ancienneté pour devenir chef de cuisine…
On ne peut assimiler les connaissances ésotériques, et donc inspirées, avec la compréhension qui caractérise celle que nous utilisons dans notre vie courante. C’est la raison pour laquelle les hommes doivent être préparés avant de leur communiquer des connaissances sur le monde suprasensible. Cette préparation est lente, afin que l’individu soit intérieurement disposé pour que cette connaissance agisse de façon juste sur leur cœur. Cette attitude demande une certaine tension de l’âme. Elle implique la nécessité de faire un effort pour se placer de façon juste vis-à-vis des connaissances des mondes suprasensibles.
Telle est la raison pour laquelle il est nécessaire de créer un véritable contre poids, un véritable exutoire qui agira dans l’esprit en appuyant pour ainsi dire sur l’autre plateau de la balance.
Je souligne trois fois que celui qui veut trouver un rapport juste avec les mondes spirituels devrait surtout rechercher l’humour et l’autodérision. Je le dis très sérieusement : Il est indispensable de ne pas rester sans humour quand on aspire aux réalités supérieures ! Comprenez-vous maintenant le rôle essentiel de la Cabale des alchimistes si bien utilisée par Rabelais ? Un alchimiste qui n’est pas farceur n’est arrivé nulle part ! Un mystique triste est un malade ! Les doctes qui manquent d’humour engendrent les pires aberrations. Celui qui rejette l’humour et baigne dans une sentimentalité fausse ne pourra jamais avancer. Dans certains milieux peu éduqués on parle de constipation ou plus justement de porte de prison.
La raison de l’humour ? Elle est simple : Le fait de garder une âme LIBRE et ouverte à l’humour est un bon moyen de prendre au sérieux ce qui est sérieux. Dans le cas contraire on se corrompt soi-même et on sape, en baignant ainsi dans le sentiment, toute possibilité de relation vraie avec ce qui est sérieux. Car la sentimentalité est en effet le pire ennemi du véritable sérieux. Celui qui veut accéder à la connaissance « en tirant une tête de six pans de long », ou en « faisant la gueule », peut crier qu’il est maudit en s’engonçant fièrement dans sa cape de théâtre…
On se libère de la gravité des choses quand on essaie de les présenter de façon humoristique.
Pour certain « passés Maîtres » il est plus facile de dire que l’on accède au monde suprasensible en « mettant son ego de côté ». Tient, mais c’est facile çà ! Je n’y avais pas pensé ! Grand Dieu, quelle illusion, quelle prétention ! Connaissez-vous l’adage qui dit « Qui veut faire l’ange fait la bête » ? Et oui, la pensée qui règne, qui se prend pour un bulldozer, qui se prend au sérieux et se croit capable de tout est, et reste, illusoire. Elle est un objet mort, définitivement mort.
Pratiquez l’humour messieurs les Grands maîtres, devenez contremaître et développez la flexibilité de la pensée et sa mobilité, alors vous serez proche de la vie et les pensées se transformeront d’un objet mort en un être vivant. Comme l’alchimie est la science de la vie, comprenez-vous pourquoi les adeptes utilisent des jeux de mots cabalistiques qui frisent le blasphème et ne reculent pas devant la paillardise ? Vivons dans la joie de l’abbaye de Télème et nous accéderons au sublime et la tolérance sera en nous pour cultiver un oecuménisme qui ne se monte pas la tête en mitre.
« S’aille chier qui autrement y pense. »
François Rabelais (Curé, grand médecin, grand écrivain et grand alchimiste).