L’article qui suit, même si son titre porte le mot Franc-Maçonnerie n’est pas réservé à la
Franc-Maçonnerie et ; il n’est pas non plus une apologie des loges. Pourquoi alors employer ce nom qui n’est pas toujours en odeur de sainteté ? Si je ne puis rien à propos de la
mauvaise presse dont les responsables sont certains individus et certains aspects de la philosophie de ces groupements ; on ne peut enlever à la Maçonnerie la puissance de son symbolisme
alchimique. C’est dans ce sens, et uniquement dans ce sens que je rédige mes articles. J’ai suffisamment dit que je n’étais pas Franc-Maçon. Et ma non-appartenance a un sens, c’est celui d’être
libre, c'est-à-dire « Franc » sans être obligatoirement Maçon. En conclusion je ne prêche pour personne si ce n’est pour l’alchimie, pour le symbolisme dégagé de toute appartenance, et
pour la puissante mystique qui lui est indissolublement liée.
N
Ne souffrez donc pas que j’accorde le plus large crédit à jules Boucher, mon auteur mascotte, quand il écrit (ou
dénonce ?) à la page 157 de La symbolique maçonnique (édition 1948). Laissez-moi dire en passant que ce livre sexagénaire, jauni et usé
jusqu’à la corde porte encore en lui cette odeur de foi et d’érudition du siècle révolu qu’aucun auteur maçonnique actuel ne dégage :
« Si certains symboles maçonniques n’ont suscité que peu de commentaires, la Pierre brute et la Pierre cubique ne
sont pas dans ce cas. Ici les dissertations abondent et les cours de morale s’enflent et deviennent fleuves. »
Quelle inondation sous un flot de verbiage facile ! C’est pour cela que j’ai tardé à aborder le sujet. Je ne
souhaitais pas être emporté par un torrent tumultueux de bavardages moralistes. Certes, la morale c’est bien, mais jusqu’à un certain point. Je voudrais signaler qu’il serait temps de séparer la
morale de la spiritualité. Leur amalgame ne donne rien de bon si ce n’est une spiritualité primaire, naïve dépourvue de liberté et reposant sur le formalisme. Il serait temps de s’apercevoir que
la spiritualité bien vécue fait découvrir en toute liberté la nécessité de la morale. Mais la morale ne fait pas accéder à la conscience spirituelle, elle lui fait même barrage. Vous voyez la
monumentale erreur ?
Je rappelle que les Francs-Maçons parlent de deux pierres : la pierre brute et la Pierre cubique. Elles sont
représentées, avec d’autres symboles, sur ce que l’on appelle « tableau ». On peut comparer ces représentations à des sortes de « dogmes » (j’ai bien choisi mes mots) sous
forme d’images ou de rébus, car celui qui s’écarte de leurs études s’il ne devient pas hérétique est à coup sûr profane. C’est le cas de votre serviteur qui lui est hérétique pour l’Église
Catholique et profane pour tous les Ordres qui se disent initiatiques. Pardonnez-moi (j’aime me faire pardonner) si j’ai parfois tendance à plastronner !
Le tableau est différent suivent le travail prévu lors des réunions (appelée « tenue »).
La pierre brute est représentée uniquement sur le tableau d’apprenti alors que la pierre cubique se trouve non seulement
sur le tableau d’apprentie mais aussi sur celui de compagnon. Le tableau de maître ne comporte aucune pierre car le récipiendaire est censé savoir comment fabriquer la pierre philosophale.
Bigre ! quelle impressionnant réussite du maître ! Dans la maîtrise, il doit y avoir plein de choses à apprendre sur la spiritualité et la
mystique, notamment sur la signification « surrationelle » de la voûte étoilée peinte au plafond du Temple ! Je m’égare ! Je me gare, et trêves de plaisanterie et veuillez
bien m’excusez (deux fois !) si parfois je suis mal embouché. Passons donc aux choses sérieuses.
La pierre brute, qu’est-elle ? J’imagine aisément les réponses des apprentis stéréotypées depuis trois siècles et
que Ragon, résume fort bien à la page 136 de son Cours philosophique, cité par Jules Boucher (idem supra p. 157) :
« La pierre brute symbolise les imperfections de l’esprit et du cœur que le Maçon doit s’appliquer à
corriger ».
La transcendance ne crève pas les yeux… Après avoir ergoté sur le principe de liberté (la pierre à l’état natif s’est
formée en toute liberté. Fallait y penser !) et d’établir un rapport pour le moins improbable avec la liberté du Maçon, passage obligé pour justifier le terme « franc » qui
signifie liberté ! nous touchons là, vous vous en doutez, au fond indigent des interprétations, ou les mots réduisent en purée l’idée.
La pierre brute qu’est-ce que c’est ? Vous allez me répondre, en biaisant, que ce n’est pas important de le savoir
puisque le propos n’est pas là. Allons ! allons ! Vous ne pourriez pas avouer simplement que vous craignez la confrontation avec des alchimistes tel le baron de Tchoudy dans son œuvre
non expurgé par vos maîtres à penser ?
« Ce n’est pas important de le savoir. », Voilà une réponse fuyante d’un être portant œillère et qui n’a pas
acquit sa liberté de penser ! Personne ne veut vous détruire, personne ne veut vous manger et je ne suis pas cousin avec Léo Taxil ! Vous voyez dans quel fantasme peut vous emprisonner
la peur viscérale de côtoyer le monde profane en toute liberté ! Rideau…
La pierre brute c’est ce que les alchimistes appellent la matière première, et ils insistent sur ce nom au point de le
traduire en latin : La materia prima. Ça veut dire quoi cette insistance ? ça veut dire que c’est une matière… primordiale. En d’autres
termes une matière primaire, simple, ancienne qui provient des origines. J’ouvre une parenthèse pour envoyer au diable les spéculateurs invétérés qui vont faire un beau laïus sur la simplicité
pour nous en mettre plein la vue en exposant avec brio un discours dépourvu de viscères. Je ferme la parenthèse.
Autour de nous qu’est-ce qui mérite à la foi le qualificatif d’ancien et de simple ? Dans le règne animal nous
avons les protozoaires ou animaux composés d’une seule cellule vivante, et les protophytes ou végétaux constitués par une seule cellule. Le préfixe « proto » signifie premier, primitif,
comme dans prototype. Cela permet déjà de qualifier la matière première minérale comme une pierre ancienne ou un protolithe, que les alchimistes
disent être issue du chaos primordial. Dans ce nom « lith » signifie pierre. Et dans les livres d’alchimie vous entendrez souvent parler de la pierre des anciens.
Le véritable alchimiste et Franc-Maçon qui était le baron de Tchoudy, a écrit dans son catéchisme de l’étoile
flamboyante (dûment expurgée par ses Frères à trois points en ce qui concerne l’alchimie au laboratoire) :
« Q. Comment appelez-vous ce corps-là ?
- R. Pierre
brute, ou chaos, ou illiaste, ou hylé.
- Q. Est-ce la même pierre brute dont le symbole
caractérise nos premiers grades ?
- R. Oui, c’est la même que les Maçons travaillent à
dégrossir, et dont ils cherchent à ôter les superfluidités ; cette pierre brute est, pour ainsi dire, une
portion de ce premier chaos, ou masse confuse, mais méprisée d’un chacun. »
(Reproduit par Oswald Wirth à la page 160 de son ouvrage Le symbolisme hermétique édité chez Dervy en
1969.)
Bon, me direz-vous, vous jouez avec la terminologie sans rien amener de nouveau. Sans relever la partie de mauvaise foi
dans cette remarque je vous répondrais qu’il ne faut pas se fier aux apparences. Si vous regardez un homme ou une femme nu, vous ne verrez rien d’autre que le corps. Il en est de même pour un
arbre ou une pierre. Pourtant il existe des corps invisibles qui accompagnent les corps visibles. Je vous renvoie à mon article à ce propos. LE CORPS INVISIBLE ET LA MÉDECINE ALCHIMIQUE Le corps n’est que la manifestation visible de notre
individualité. Il en est de même pour le minéral. Car vous n’allez tout de même pas imaginer que l’alchimiste œuvre uniquement sur les « substances » visibles ! Dans le cas
contraire l’alchimie se réduit à la chimie, comme le font les scientifiques qui de ce fait ne peuvent que faire de l’alchimie l’ancêtre de la chimie. Quand vous voyez une pierre, vous n’en voyez
qu’une partie, un peu comme si vous contempliez les ongles des pieds visibles d’un géant invisible. C’est d’ailleurs ce genre de savoir qui a peuplé
certains univers féeriques des mythes, des légendes et des contes.
Ce corps invisible serait le support de la mémoire. Excusez-moi de vous asséner cela ex abrupto. J’y reviendrais d’une manière plus explicite et dans une cohérence plus évidente.
Nous voilà donc avec une pierre ancienne qui manifeste ses potentialités dans l’invisible.
Question: comment en faire une pierre cubique ?
Vous vous imaginez fort bien que ni les discours, ni la morale ne vont permettre une pareille élaboration.
Pour comprendre de quoi il s’agit, il faut regarder la pierre cubique, qui est représentée dans le « Tableau
d’apprentie » et celui de compagnon par un cube portant, sur sa face supérieure, une pyramide à base carrée. Elle est appelée « Pierre cubique à pointe ». De plus, sur le sommet de
la pyramide quadrangulaire est plantée une hache.
Cette hache fichée sur le sommet de la pyramide est pour le moins surprenante et laisse supposer un message hermétique à
décrypter. Évidemment les discours ne risquent pas de donner la clé de cette énigme, telle cette opinion malheureuse de Jules Boucher :
« La Pierre est placée sub ascia, sous la hache, pour indiquer son
caractère sacré. ». (idem supra p. 165)
Si vous êtres plus avancés, moi non ! Je n’ai rien compris ! Désolé (!) de vous décevoir. Je vous ai déjà dit
que je m’excuse à tour de bras et que je suis souvent désolé. Que voulez-vous que j’y fasse si j’ai un côté pipistrelle et un autre vieille France !
Un outil pour travailler le bois fiché sur une pierre a un sens que la spéculation ne risque pas de trouver puisque le
message est cabalistique, et nécessite de connaître l’Art Royal, ou alchimie, au moins dans sa dimension théorique.
Quant on lit les auteurs maçonniques, tel Oswald Wirth, on est pris de vertige pas le conditionnement sous-jacent que
laisse supposer les conclusions de cet auteur prolifique champion de la méthode idéographique :
« Dans ce cas, la Pierre cubique à pointe se rapporterait plus spécialement au grade de Maître et de cet affinement
de la personnalité qui se traduit par la sainteté ou l’héroïsme au point de vue moral, et par une géniale acuité de jugement au point de vue intellectuel. » (idem supra p 165)
Je partage l’opinion de Jules Boucher quand il écrit à propos des lignes qui précédentes :
« Nous ne prétendons pas à la « géniale acuité » et cependant nous ne pouvons accepter la glose de
Wirth. »
Je suis en colère ! Qu’est cette glose qui nous parle de sainteté au point de vu moral ! Regardez-moi
ça ! Ici, chez ce maître à penser maçonnique, tout repose sur l’intellect. C’est une aberration ! Allez raconter ça à St François d’Assise ou au Padre Pio. C’est complètement
surréaliste cette compréhension de la sainteté reposant sur la philosophie d’un intello, coincé par les préceptes moreaux enfantant des « psycho rigides » et aboutissants à l’intégrisme ou
au puritanisme. Quant à l’acquisition d’une acuité géniale, vous pouvez toujours vous « brosser » pour l’acquérir dans de pareilles conditions. C’est une blague d’orateur moraliste
s’écoutant parler ! Désolé ( !) de paraître encore désobligeant, mais vue sous cet angle la symbolique maçonnique est un bourrage de crâne cohabitant avec l’utopie. Dégonflons donc les
baudruches et voyons les choses avec une lucidité dépourvue de géniale acuité !
Pardonnez-moi (!) ces écarts de langage (en supposant que cela vous soit possible) afin que je puisse revenir, l’esprit
serein, à la quiète interprétation de la Pierre cubique à pointe et à la hache.
Quel peut être le message de cette hache fichée au sommet de la pyramide en pierre, qui semble indiquer paradoxalement
que cette pierre est en bois ! Je pencherais plutôt pour une pierre tendre (issue, dans ce cas, de la reconstitution de la matière première). C’est là un renseignement qui ne manque pas
d’intérêt pour le travail au laboratoire. Pour éviter les échecs dus à une trop grande importance de la gangue calcaire, il s’avère parfois souhaitable de séparer les corps constituant la minière
pour recomposer ensuite la Pierre. Cette opération ne fait pas partie du Grand Œuvre, mais facilité grandement la réussite.
La matière première obtenue peut, si on le désire, être moulée en pierre cubique à pointe et une hache peut fort bien
être plantée, sans problème, au sommet de la pyramide. Si cette particularité est comprise par les galonnés en tablier, alors la pierre cubique à pointe doit être de couleur rouge. Mais cela est
une remarque sans importance pour les incorrigibles agioteurs qui ont horreur d’entendre parler du laboratoire alchimique qui démolit, trop souvent à leurs grés, leurs brillants édifices
symboliques.
Continuons donc notre œuvre de profane profanateur sur cette curieuse pierre à la hache. En alchimie, de nombreux livres
vous livrerons le sens de ce symbole qui est le même que celui de l’épée, du poignard ou du marteau. Ces armes blanches désignent les larmes blanches du sel blanc (petites gouttes) qui hache la matière. Vous trouverez de plus amples explications
dans mon petit dictionnaire intitulé l’Alchimie expliquée par son langage édité chez Dervy (20€) vendu par toutes les librairies du
Net.
La lettre H représente l’Esprit (voir Les Demeures Philosophales de
Fulcaneli). Si l’on infléchit vers l’intérieur les barres verticales on obtient un cercle barré horizontalement comme un sens interdit. C’est le symbole du sel alchimique qui hache la matière et se manifeste, dans la voie humide, sous forme de larmes blanches.
Cette hache ou H ou encore ce sel se manifeste sous quatre états différents correspondant aux quatre triangles de feu
constituant la pyramide. À l’état cristallisé il est Terre, liquéfié il est Eau, vaporeux il est Air et excité il est Feu. Voir mes articles sur les 4 éléments.
LES 4 ÉLÉMENTS des Francs-Maçons & des Rose+Croix 1. et la suite : LES 4 ÉLÉMENTS des Francs-Maçons & des Rose+Croix 2.
La Pierre cubique est donc travaillée par la hache et les quatre éléments qui en étant associé à l’Esprit ouvrirent la
porte aux moralistes et intellectuels dont René Guénon est l’un des fleurons.
Maintenant, un outil de travailleur de bois au sommet de la pyramide n’est pas dénué de sens puisque les larmes blanches
ne peuvent être obtenues que par le bois dont l’acacia fait partie.
Ha ! l’acacia méconnu ! Car les Maçons ne connaissent généralement pas son rôle. Si un Maçon
s’écrit : « l’acacia m’est connu », c’est généralement un mensonge. Je me porte volontaire pour le vérifier !
Rappelons que la pierre brute est un protolithe. Ce protolithe a conservé la mémoire de son origine dans son corps
invisible (voir l’article à son propos). Cela permet de comprendre ce qui se passe dans le creusé et qui n’est pas dépourvu de logique puisque le corps invisible du protolite est, comme je l’ai
déjà dit, le dépositaire de la mémoire. Soyez attentif et vous saisirez ce que cela signifie.
Je laisse Serge Hutin vous instruire :
« Dans la cornue où le creuset, l’adepte contemplerait donc – estime-t-il – ce qui s’est passé à l’origine même du
présent cycle terrestre. Il ne s’agit pas là d’une simple formule symbolique, mais d’un processus concret, tangible, palpable : l’alchimiste se construit une sorte de véritable modèle réduit
animé de la création, avec reproduction sur ce globe en miniature du jeu même des cycles solaires, lunaires et planétaires qui régissent la terre. » (Histoire de l’Alchimie, p 45, éditions Marabout Vervier Belgique, 1971)
Vous, qui spéculez sur les pierres brutes ou cubiques, à quoi croyez-vous que serve l’alchimie ? À dire que la
Pierre philosophale représente l’idéal maçonnique ? Ce fut vrai il y a bien longtemps, mais ça ne l’est plus puisque les Maçons ignorent à 99% ce qu’est réellement l’alchimie. À transmuter
du plomb en or ? Évidemment non ! À trouver un élixir de longue vie ? C’est encore non ! À servir de référence à des spéculateurs plus ou moins psychologisants ? Restons
sérieux !
L’alchimie sert essentiellement à établir un dialogue avec l’invisible, avec tous les corps invisibles, y compris celui
de notre mère la terre, et au-delà de la matière à interroger la mémoire de l’univers. L’alchimiste parvient à voir (et non à comprendre) les rouages du cosmos dans lesquels nous sommes
étroitement assujettis. Ni l’espace ni le temps ni la mort n’ont plus de mystères et l’alchimiste devenu clairvoyant s’élève alors vers les sphères célestes. C’est exactement ce qu’essaye de dire
le mutus liber, ce livre sans paroles composées uniquement de quinze gravures ou la dernière représente l’Adepte couronné et clairvoyant, ressuscitée
en chair et en esprit. Et étant élevé par des anges jusqu’au soleil.
« J’ai dit : Vous êtes tous des dieux » Jean X, 34-36
Nul n’ignore, parmi ceux qui s’intéressent à l’ésotérisme, que l’alchimiste travaille sa
pierre brute ou matière première qui deviendra
pierre des philosophes laquelle se transformera en
pierre philosophale, c’est-à-dire en pierre parfaite ou cubique
selon l’expression consacrée par le symbolisme maçonnique… Dans le milieu hétérogène des frères à trois points, il est toujours question de pierre brute et de pierre cubique, laquelle est à la foi
la pierre bien taillée des bâtisseurs et la pierre philosophale. Dans les Loges les tailleurs de pierre ont donc une place de choix dans l’esprit maçonnique. Rien de surprenant si, dans les loges
autant qu’en librairie, abonde sur l’art et la manière de taquiner la masse et le burin, de long discours tressé d’un complexe « psycho-spiritualo-moralisants » qui inspira probablement
les fondateurs de ce mauvais ragoût ou la cuisse de poulet jouxte la langue de boeuf et que l’on appelle dans les millieux bien informés: Nouvel Age !