Il s'agit ici d'Initiation christique, de lien entre le christianisme initiatique ancien et les différents courants de la mystique permettant une fructueuse transformation de la pensée(métanoïa) pratiquée par les alchimistes. Des sujets divers sont abordés : Spiritualité, initiation, alchimie, cabale, mythologie, symbolisme...
Un matin je flânais devant les étals hétéroclites du marché aux puces de Montpellier, quand mon attention fut attirée par un petit livre rouge perdu dans les paperasseries d’un bouquiniste maigrichon. Son prix modique autant que son titre m’encouragea à l’acheter. Il s’agissait d’un ouvrage du talentueux Gérard de Sède, bien connu pour ses diverses publications sur le mystère de Rennes le Château. Le titre eu le don d’éveiller une vieille passion qui m’incita à l’ouvrir sans plus tarder, et cela au milieu d’une foule nonchalante de chineurs. En un instant leur procession s’effaça. Ils devinrent des ombres puis disparurent dans le nuage bienfaisant de ma béatitude dominicale. Ainsi balloté par des bousculades et des « pardons m’sieur! », je m’enfonçais dans la lecture du bouquin Les Templiers sont parmi nous.
Le premier chapitre m’accrocha par son curieux titre : Un exorciste dans l’étable.
L’auteur décrit sa rencontre avec un vieil homme jardinier du château de Gisor. La première chose qui l’intrigue, chez ce paysan, est sa mauvaise maitrise de la peur des cochons. Cet être simple et étrange cachait un chercheur de trésor pugnace et renseigné énigmatiquement par une source inconnue mais sure. Il devait être le seul au monde à découvrir le fabuleux trésor des templiers qui par la suite ne fut jamais retrouvé un peu comme s’il se dissimulait dans un autre continuum spatio-temporel. Cet être étrange s’appelait Roger Lhomoy.
Ce mystique discret ne manqua pas d’intriguer Gérard de Sède qui lui fit part, en riant, de son étonnement à fuir les porcs. Rien ne vaut le témoignage de l’auteur pour traduire la curieuse réponse de l’énigmatique porcher :
« — Sait-on jamais, répondit Lhomoy, plaisantant lui aussi. Ces bêtes sont peut-être bien les démons de l’Evangile que Jésus changea un jour en pourceaux. Remarquez, enchaina-t-il sur le même ton, que si c’est le cas je ne serai pas en peine pour les chasser.
Et à ma profonde stupéfaction il se mit à réciter en latin la formule de l’exorcisme.
Ou diable, Roger, avez-vous été cherché ça ?
C’est bien simple, répondit-il calmement. Vous me voyez aujourd’hui porcher, mais jadis j’ai été ecclésiastique. J’ai même reçu les ordres mineurs et l’un de ceux-ci, vous ne l’ignorez pas, est celui d’exorciste. » (Edition J’ai Lu, L’Aventure mystérieuse, Paris 1962, p.10.)
Sur mon nuage je m’entendis héler d’un bistro ambulant. Mon ami Hermophyle attablé sirotait béatement son café matinal. La mine réjouie il me fit signe, avec des moulinets du bras, de venir m’asseoir.
—Ben dis donc, heureusement que je tai appelé sans ça avec ton bréviaire à la main tu as failli te faire étrangler pas une opulente poitrine qui te fonçait dessus !
Mon ami était toujours à l’affut d’une bonne blague, parfois un peu épaisse mais toujours de bon aloi. Le bruit courrait qu’il rédigea un blog qui ressemblai parfois aux farces des gaités de l’escadron.
—Tu vois bien que ce n’est pas un bréviaire !
« T’a raison, t’as pas la tête d’un curé », il se mit à rire et ajouta en faisant semblant de regarder attentivement mon bouquin : « Mais oui ! C’est le petit livre rouge de Mao tzétoug !».
Je le jetais sur la table. Il s’en empara et l’ouvrit à la première page en lisant à haute voie :
« Un exorciste dans l’étable… bigre, le pauvre hère est comme Job sur son fumier. »
Je lui résumais le chapitre et lui confiait que cette histoire d’ordre mineur m’était totalement inconnue et je m’attendais à ce qu’il abonde dans mon sens.
A mon grand étonnement il m’apprit qu’il y avait quatre ordinations mineures qu’il cita dans l’ordre croissant: Clercs, Portiers, Lecteurs, Exorciste et Acolyte, et s’empressa d’ajouter que la cléricature n’était pas un ordre mais une cérémonie d’adoption par l’Eglise.
Je le regardais médusé car je n’aurais jamais soupçonnés chez lui si hilare et même parfois un peu mal embouché, ce genre de connaissances. Imperturbable il poursuivi son explication en spécifiant que les ordres mineurs s’appelaient ainsi car ils préparaient aux ordres majeur qui sont le sous-diaconat, le Diaconat et la Prêtrise. Inconsciemment j’eu la même apostrophe que Gérard de Sède à l’égard de Lhomoy.
- Ou diable Hermophyle est-tu allé chercher ça ?
- C’est simple, ton copain celui que tu regardes en ce moment, est évêque des plus valides qui soit !
- Toi évêque ? La bonne blague, tu as été marié et je ne t’ai jamais vu à l’évêché de Montpellier.
Il se mit à rire, puis reprenant son souffle il m’expliqua qu’il n’était pas évêque de l’Eglise catholique. Qu’il ne pouvait être catholique car cette Eglise refusait de l’entendre et n’acceptait pas sa philosophie à caractère trop gnostique. Ordonner prêtre des hommes ou des femmes mariés (au nom de l’Eglise des premiers siècles) avait le don d’irriter l’Elise Catholique. Il était donc illicite, rejeté par le Vatican, une sorte de brebis galeuse. Mais toutes les ordinations qu’il célébrait étaient considérée comme valides par Rome, même s’il était illicite ! Cette remarque eut le don de déclencher en moi un rire inextinguible. Les larmes aux yeux je lui demandais si ce n’était pas un plagia de Marcel Pagnol. Reprenant mon souffle je lui dis :
- Si tu baptise ma fille Amélie et qu’elle aille dans l’Eglise Catholique. Ils la rebaptiseront ?
- Non !
- Ils considèrerons qu’elle a été baptisée comme si un prêtre catholique l’avait fait ?
- Sans l’ombre d’un doute !
- Si tu célèbre mon mariage, Rome considérera qu’il est valide?
- Bien sur que oui !
- Si j’assiste à ta messe et que je communie, ce n’est surement pas valide.
- Détrompe-toi c’est valide aussi.
- Mais alors, leur attitude de te considérer comme illicite est absurde…
- Je ne te le fait pas dire ! J’ajouterais que si je désire devenir Catholique ils garderont mon grade d’évêque et ne me réordonnerons pas.
- Raconte-moi Hermo. comment est ordonné un exorciste.
La tasse à ses lèvre il me regarda avec c’est air espiègle qui effaçait la moitié de son âge, et repris comme s’il professait un cours :
« Après avoir reçu les ordinations de Clerc, Portier et Lecteur, on envisage alors l’ordination à l’exorcistat. Ces trois ordres mineurs préparent l’ecclésiastique à cette importante ordination. La cérémonie est courte mais très puissante. Personnellement j’ai choisi de la célébrer en français, d’autre préfèrent le latin, c’est au choix car l’efficacité est identique. D’autre part le célébrant doit être évêque. Avant le concile Vatican II, tout cela se déroulait de la même manière dans l’Eglise catholique. Je les perpétue car beaucoup de passages proviennent des premiers siècles. En cela je suis en désaccord avec l’Eglise Catholique qui les a bazardés car elles ont un sens profond qu’elle ne comprend plus et trop proche de la gnose. D’ailleurs c’est pour cela que certains centres initiatiques les ont adoptés en leur donnant un nom particulier. Mais tu t’imagine aisément que l’effet n’y est pas et ne peut y être.
L’évêque qui ordonne a la particularité d’être inscrit dans ce que l’on appelle une table de succession apostolique. En d’autres termes les évêques qui l’ont précédé sont reliés par transmission de l’Esprit, par imposition des mains, à des cardinaux, à des papes et à des Apôtres du Christ. Il y a donc une diffusion de l’Esprit provenant du cénacle quand les Apôtre reçurent les langues de feu. Inutile de préciser que c’est sur ce même Esprit que travaille l’alchimiste au laboratoire et il le cajole cet Esprit car même s’il est donneur de vie (ou parce qu’il l’est) il est d’une fragilité extrême. C’est la raison pour laquelle l’alchimiste possède un oratoire, afin de se purifier pour pouvoir être digne d’approcher la manifestation terrestre la plus pure et la plus extraordinaire qui soit. »
—Ca alors, je croyais que l’alchimiste était un joyeux dingue essayant de renflouer sa bourse en cherchant bêtement à transmuter du plomb en or ! Tu dérapes tout de même car, à ma connaissance les seules relations de l’Eglise avec l’alchimie c’est pour la condamner.
—C’est normal puisque de petits rigolos et faux monnayeurs vendaient de l’or « alchimique » ou or de la sainte farce.
—L’alchimie, la véritable, s’appelle art sacerdotal. Ou trouver le sacerdoce si ce n’est dans l’Eglise ? J’ouvre une parenthèse pour te signaler que les prêtres alchimistes exorcisent, puis bénissent touts les matières qu’ils utilisent. Dans les rituels il existe des exorcismes pour des substances comme le soufre.
Revenons à notre exorciste.
Lors de l’ordination d’un exorciste il est nécessaire que l’évêque prononce certaines paroles et fasse certains geste sans cela l’ordination n’est pas valide. Deux points essentiels doivent être respectés :
1 – L’instruction préparatoire.
2 – La collation de l’Ordre.
L’instruction préparatoire spécifie au futur exorciste que son devoir est de chasser les démons, d’éloigner ceux qui ne communient pas à la messe (service « d’ordre ») et surtout de veiller à l’eau, c’est-à-dire l’eau bénite qu’il peut exorciser avec le prêtre lors de sa fabrication. Il s’occupe aussi de l’eau baptismale. En dernier lui, à l’occasion de chaque messe l’exorciste devra exorciser l’eau et le vin des burettes, eau et vin qui seront ensuite bénis par le prêtre.
La collation de l’Ordre a le don de transformer le Lecteur en exorciste. Dans sa simplicité cette ordination est capitale.
L’ordinant touche de la main droite le livre des exorcismes. Ce contact n’est pas banal car il va imprimer à l’ordinant un lien puissant avec ce rituel spécifique. Cela va être amplifié par la bénédiction de l’évêque. Les physiciens actuels diraient que s’établit un lien d’inséparabilité ou intrication. De ce fait à partir de cet instant l’exorciste porte un lui une sorte d’exorcisme puissant, mais muet et permanent qui indispose les esprits mauvais par sa seule présence. Au bout d’un lap de temps, les mauvaises pensées de ceux qui côtoient l’exorciste subissent aussi des réflexes de recul. Evidemment encore faut-il que l’exorciste œuvre sur lui-même.
Pour que ce processus d’imprégnation se réalise l’évêque doit prononcer les paroles conservatoires particulières, ainsi qu’une bénédiction, qui se trouve dans les « statuta » gallicanes du Ve siècle.
Voici ce que dit l’évêque :
« Recevez ce livre, confiez-en le contenu à votre mémoire, et recevez le pouvoir d’imposer les mains aux énergumènes, qu’ils soient baptisés ou simplement catéchumènes. »
Et les bénédictions suivantes très anciennes :
« Dieu tout puissant, sœurs et frères bien aimés, qu’il daigne bénir (l’évêque bénit l’exorciste ses serviteurs (ou servantes) dans leur office d’exorciste, afin que désormais ils (ou elles) soient comme des empereurs spirituels, choisis pour chasser du corps des possédés les démons, avec leur malice et leur fourberies… »
« Dieu éternel, daignez bénir vos nouveaux serviteurs (servantes) dans l’Ordre des exorcistes, afin que, par l’imposition de leurs mains et par leurs paroles ils puissent victorieusement chasser les esprits immondes et qu’ils soient dans votre Eglise comme des médecins expérimentés, réputés pour leur guérisons multiples et pour leur puissance toute céleste…. »
—L’exorciste est aussi guérisseur ?
—Partout ou il y a le mal il y a le malin, d’où le mot mal diminutif de malin. Ne prend pas ça à la lettre. Mais pour devenir guérisseur l’Exorciste doit grandir en sagesse. La cérémonie ne fait pas tout. Son effet dépend de sa préparation. Etre exorciste dépend aussi de l’attitude après l’ordination.
—Comment se prépare l’exorciste pour recevoir son ordination ?
—Je t’ai dis que les ordinations situées avant celles d’exorciste jouaient un rôle essentiel. La formation de l’exorciste commence par se familiariser avec plusieurs exorcismes. Pour pouvoir adapter l’un d’eux à la circonstance rencontrée. Ca commence par la prière de saint Cyprien qui est très puissante pour lier et conjurer le Malin. Si cela ne suffit pas l’exorciste peut utiliser celui de Léon XIII orienté contre Satan. Enfin, dans les cas grave est employé le Grand Exorcisme de l’Eglise Romaine ou le grand exorcisme du rituel de Maline. Il y en a d’autres qui s’appliquent autant aux individus qu’aux maisons hantées. L’exorciste doit être familiarisé avec le plus grand nombre possible.
Ensuite, et surtout, l’exorciste doit connaître la mystique diabolique, apprendre la liturgie du sabbat, étudier les visions infernales des Saints.
Il doit prendre garde à ne pas faire de confusion et pour cela être en rapport avec un psychiatre.
Finalement l’exorciste doit connaitre ce que l’on appelle actuellement les phénomènes paranormaux.
—Que penses-tu des exorcistes et guérisseurs non ordonnés exorcistes ?
—Ils ne peuvent être efficaces que s’ils sont de réels mystiques. Sils ne le sont pas c’est à leur risque et péril car l’Ordination est une puissante protection. Ceux qui disent faire des rituels de protection ne sont pas protégés. Cela ne veut pas dire qu’ils n’obtiennent pas de résultat, jusqu’au jour ou… se manifeste leur impuissance. Alors cela peut dégénérer en maladie grave ou en folie d’énergumène.
—Tu as déjà exorcisé ?
—Oui mais c’est désagréable pour deux raisons, c’est celle de voir des manifestations très étranges et ensuite c’est extrêmement fatiguant quand les forces obscures refusent de vider les lieux.
Une fois l’exorcisme a duré plus de huit heures. Les forces noires refusaient de quitter cette femme qui se tordait comme si elle était en couche. J’ai donné l’ordre au démon de sortit par la bouche. Cette femme eut des rictus affreux comme si une entité invisible sortait par l’orifice buccal. D’un seul coup une odeur de corne brûlée à envahit la pièce…
—Tu me ferrais presque peur ! Le diable sent réellement le soufre c’est impressionnant ! Là on ne peut pas parler d’imagination ou d’hystérie…Oui le rôle d’exorciste n’est pas réjouissant.
—Il peut parfois être très dangereux pour ceux qui on un égo trop important. J’ai vu un exorciste (médecin de son état) poser des questions à une possédée qui répondait en faisant d’extraordinaires révélations. Il était fasciné et continuait à l’interroger. Il a fallu que je l’attrape par le colbac car il était à deux doigts d’être convaincu. Tu comprends pourquoi cet homme n’est pas resté dans l’Eglise ?
—Il y a beaucoup de cas de possession ?
—Non car beaucoup de « possessions » sont imaginaires et concernent la psychiatrie.
—Et bien monseigneur tu m’en as appris des choses.
—Je te demanderais de ne jamais m’appeler monseigneur. Laissons ce titre aux évêques catholiques licites. En qualité de hors la loi ou illicite je suis un ami et non un seigneur.
—Que ferais-tu si je continuais à t’appeler Monseigneur.
—Pas grand-chose, je t’étranglerais !