L’ancien comté du Razès est au sein des monts des Corbières qui s’étirent entre Narbonne et Perpignan. Ils sont réputés pour leur miel et vignoble très particuliers que l’antique Rome venait déguster. Les flancs de coteau gorgés de soleil y sont pour quelque chose. Mais en ses replis obscurs dorment des secrets qui parfois remontent très loin dans la nuit des temps comme cette grotte (la Caune d’ Arago) ou s’abritait le fameux homme de Tautavel, homme le plus vieux d’Europe. Une énigme qui résonne dans la nuit de temps…
Un lieu, un autre siècle, ou le doctorant, que j’étais, appliquais la télédétection à l’archéologie sans trop savoir vers ou j’allais, quel sens réel avait cet endroit mais ou une synchronicité menait la dance.
Tautavel, son musée préhistorique, mais surtout ses anciens seigneurs que l’on connaît moins. C’est le berceau des futur Périllos, qui furent détenteur d’une fortune aussi soudaine que colossales. Ils finirent par acquérir la seigneurie de Périllos, sise non loin d’Opoul, dont le mystère trame un lien étroit avec l’alchimie et l’histoire indiscernable de Rennes le Château qui tisse son intrigue jusqu’à Montpellier ville chère à la cantatrice Emma Calvé résidant en sa villa Harmonie.
Le célèbre adepte François Cambriel naitra à deux pas de là, à La Tour de France. Il dira dans son livres[1] « avoir vu Dieu durent son enfance ». Il le découvrira, dit-il, à cet endroit (sous l’égide des trois poires du blason de Périllos) en galopant dans des garrigues inhospitalières de l’ancienne seigneurie de ce Raymond (roi du monde en Occitan) qui fut grand maitre de l’Ordre de Malte. Oui, ce lieu est chargé d’un parfum d’éternité. Les millions d’années de l’homme de Tautavel en témoignent.
Rennes le Château, village haut perché, eut, au XIXe siècle, un curé de campagne : Béranger Saunière. Il aurait découvert un trésor d’objets précieux et aussi de connaissances impénétrables qui hantent le statuaire, et les milles subtilités symboliques qui courent sur les murs et le plafond, tout en captant la lumière des vitraux, d’une église qu’il rénova. Fantasmagories sulpiciennes bariolées en ce XIXe siècle finissant ?
Lieux qui inspirèrent les prouesses d’Arsène Lupin par son auteur, Maurice Leblanc, mystérieusement informé des recoins obscurs des évènements liés à ce lieu. Mais pourquoi fichtre !
Pays curieux que mon oncle me fit découvrir en ma parlant de l’académicien Pierre Benoît qu’il avait connu au village de Bizanet.
Mais oui, que penser de la fascinante beauté de la dernière reine de l’Atlantide : Antinéa[2] ? Cette souveraine mystérieuse d’un continent englouti dont le jeune Pierre Benoît devinait la présence dans les roches tourmentées des monts Alaric[3] ou, dit-on, dort le trésor de trois rois ?
L’aventure, à Rennes le Château, n’est pas dans les bibliothèques ou sous la fourche caudines des marteaux piqueurs ou encore celle du feu d’artifice tonitruent de la dynamite. Le trésor est ailleurs… tout en étant là ! C’est celui d’une survivance difficile à approcher qui imprègne les monts des Corbières tout entiers.
A Rennes le château, plus rien n’est à découvrir. Le petit musée lui-même s’est désertifié au fil des années. Rien n’est à trouver en ce lieu si ce n’est… le fabuleux trésor ! Trésor qui fait fantasmer le monde entier à travers des spéculations plus ou moins abracadabrantes car l’imagination de beaucoup s’est épuisée. Il ne reste que quelque goutte de bon sens, puisque la gourde d’inspiration s’est asséchée au cœur du désert de rocaille peuplé par la fantaisie d’un autre ecclésiastique campagnard : l’Abbé Boudet. Ce curé du village voisin de Rennes-les-Bains était un érudit cinglé, licencié en Anglais, qui peupla les alentours de son village de dolmen et de menhir qui n’existent pas.
Lieu de fous-fous ? Non lieu de faux-fous !
Mais que trafiquaient donc nos curés dans les coins obscurs de leurs presbytères ou de leurs sacristies ? Qu’elle marotte les animait au point de leur faire peupler leurs églises d’énigmes et la campagne environnante de leurres ? Il y a bien une raison à cela ! Et cette raison ne pouvait être quelconque, capitale même pour orchestrer des « fuites » auprès des auteurs célèbre de cette fin de siècle auquel le grand Jules Vernes lui-même n’échappa…
Et puis cette particularité de ces ecclésiastiques à vouloir passer pour de pauvres hères excessifs, déraisonnable, un peu fou pour ne pas dire complètement cinglés !
Cela me rappelle cette remarque fondamentale de l’alchimiste René Alleau :
« De cet abaissement volontaire, la « Haute Science » elle-même ne témoigne-t-elle pas en choisissant de se nommer « la science des fous » et en assignant à la lame majeure du Tarot, nommée le « Mat », le « Fou » ou l’ « Alchimiste », une place paradoxale entre le « Monde » et le « Bateleur » qui crée l’illusion du jeu ? Les prétoriens n’ont-ils pas déguisés le Christ en bouffon de carnaval ? N’ont-ils pas joués au dès les vêtements du « fils de l’homme » et cet exemple de la subversion totale des valeurs ne nous prouve-t-il pas que ce monde-ci à été déjà souverainement jugé ? Comment n’éprouvons-nous pas le profond retentissement de cette réplique :
« All ibn Abdan connaissait un fou qui divaguait le jour et passait la nuit en prière.
- Depuis combien de temps, lui demanda-t-il un jour, es-tu fou ?
- Depuis que je sais. »[4]
Nul n’est besoin de faire l’éloge de la folie avec Erasme. Mais méfions-nous des gens qui « déraillent »… Sortir de l’ordinaire c’est se faire cataloguer. Mais c’est surtout courir en toute liberté vers la solution de bien des problèmes.
Les auteurs Giacometti&Ravenne disent avec justesse qu’à l’instar de Rome capitale de la chrétienté, ou de la Mecque capitale des Musulmans, Rennes le Château est la capitale mondiale de l’ésotérisme. Cela est incontestablement vrai. Pourquoi ?
D’abord l’existence de ce mystère en attire d’autres plus généraux mais concomitants comme celui de sociétés secrètes, des pouvoirs occultes de l’homme sans oublier celui des origines ou des mystères de la matière dont l’approfondissement fut à l’origine de cette physique « folle » et déroutante qu’est la physique quantique détentrice des clés de notre réalité.
Aussi en ce lieu se croisent les chercheurs de différents horizons animés d’un élan commun que bien souvent ils ignorent: Cathares, Druides, Franc Maçons et Rosicruciens de tous bords, ainsi que Templiers sans oublier les alchimistes.
Cette effervescence est parfaitement illustrée par les multiples titres de livres des deux librairies du village.
Par moment des poussées délirantes se propagent jusqu’à Bugarach[5], tout à côté, ou le monde entier attendait l’apocalypse… et l’avènement des extraterrestres.
En se lieu l’imagination fatiguée côtoie le délire. Délire que certains confondent avec la réalité.
Un pays de faux-fous ? Peut-être mais il ne faut pas les confondre avec les fous-fous qui sont partout y compris dans l’hémicycle du palais Bourbon !
Certains écrivains tirent leurs épingles du jeu en gagnant un trésor sans toucher à une pioche. Ce fut le cas pour le best sceller mondial Da Vinci code. Il en est de même pour Giacometti et Ravenne. Mais ces auteurs manifestent une autre dimension qui traduit une aura particulière en harmonie avec celle du mystérieux curé. Ces auteurs ont créé une histoire imaginaire en s’appuyant sur des faits réels qui montrent à eux seul combien ces événements énigmatiques les fascinent. Et ils ne pouvaient que découvrir les multiples ramifications possibles que l’on retrouve dans l’ensemble de leurs ouvrages.
Ces deux romanciers sont de vrais aventuriers à l’instar de l’américain Stève Berry avec son « L’héritage des Templiers ». Je ne connais pas tous les écrivains, mais ces deux on un supplément d’âme que les autres n’ont pas. Ce n’est pas le tout d’écrire encore faut-il ressentir une passion qui prend ses racines dans les secrets de l’être qui se révèle subrepticement au fil des pages.
Quand on désire absolument défendre une opinion. Ce seul désir empêche de flirter avec les racines de bien des mystères. Si l’imagination est lâchée nous explorons bien des faits inaccessibles à ceux qui « ne veulent pas perdre pied ». L’imaginaire a parfois des éclairs de réalisme que la logique ne peut atteindre.
Les romans de cet ordre sont dans ma bibliothèque tout à côté des plus sérieux concernant l’énigme de Rennes Le Château. Pour moi ils ont la même valeur, ce que mes amis ne comprennent pas toujours. Je suis obligé de leur répondre – pour ne point engager un échange qui promet d’être barbant – que j’adore mélanger les torchons avec les serviettes !
Il est vrai qu’il est difficile pour beaucoup de sentir la relativité de notre monde. Les imaginatifs le savent intuitivement aussi leurs images suivent des chemins parallèles à la réalité et parfois la rencontre. J’aime suivre leur chemin car il m’inspire et surtout m’amuse en constatant combien le monde est merveilleux et non dépourvu d’humour.
Il m’arrive de rire aux éclats en voyant le trajet suivi par l’idée imaginaire d’un auteur qui d’un seul coup rencontre la réalité puis s’en éloigne par manque de prise de conscience, ou pour une toute autre raison.
Concrètement qu’est-ce que cela veut dire. Pour l’expliquer mieux vaut prendre un exemple simple dans le livre l’Apocalypse de Giacometti & Ravenne.
Avec un code « apocalyptique » contenant 666, dont j’ai mal saisi l’origine, nos deux auteurs découvrent une série de chiffres mis en évidence sur la pierre tombale (par « un procédé aussi simple que complexe ! ») de la marquise d’Hautoul dont le château est celui de Rennes le Château. Ce code est 66654. Il donne sur la pierre tombale le mot NIGLA , mot hébreux qui signifie apocalypse.
Nous voila donc au cœur du sujet car l’énigme du roman est liée à ce curieux NIGLA pondu par une acrobatie de l’imagination désireuse de donner une cohérence à l’histoire.
Nos auteurs poursuivent donc leur roman avec le nom d’une villa « Nigla » sous laquelle réside le mystère…
Leur imagination les conduit donc au village d’Arques ou se trouve cette demeure imaginaire alors que la solution de l’énigme est ailleurs si l’on considère que nigla n’est autre que l’anagramme d’un mot occitan, langue que parlait la comtesse.
Il s’agit de galin, c'est-à-dire galina ou poule en occitan.
En d’autres termes leur imagination libérée, pour les besoins d’un roman, les a conduits vers le secret de « l’apocalypse » détenu par les Hautpouls plutôt qu’ailleurs. Généralement les chercheurs passent outre alors qu’il s’agit d’un fait sérieux, solide, découvert par cette curieuse capacité humaine de sauter aux conclusions sans passer par un raisonnement logique. En bien des cas la science en bénéficia comme la découverte de la table périodique des éléments par Mendeleïev, celle de la relativité par Einstein, ou la découverte des molécules cycliques par Kekulé. Je donne d’autres exemples, dans Holoscopie de la spiritualité Occidentale, de ces découvertes à l’origine du renouvellement des connaissances.
Le chemin de l’imaginaire est un gage de vérité que n’a pas toujours la logique rationnelle.
La suite c’est à chacun de la faire en prenant bien garde de ne plus utiliser les sentiers battus. C’est toute une aventure croyez moi, et elle en vaut la peine car elle s’inscrit en harmonie avec le développement de l’être.
Au fait sommes-nous sur de bien connaitre les Hautpoul au paradoxal blason peuplé de coqs ?
Les chercheurs de trésor seront surement déçu par cet article qui pour eux aura un goût d’inachevé, d’autre en seront fécondés, donc… Que ceux qui ont des oreilles entendent.
Avec toute mon amitié.
[1] In Cours de philosophie hermétique ou d’alchimie (1843).
[2] Antinéa mot où l’initiale A est ma même lettre que celle qui achève le nom. C’est l’image du commencement qui rejoint la fin à la manière du serpent qui se mord la queue ou l’ouroboros des alchimistes.
[3] Qui devinrent dans son imaginaire les roches du Hoggar saharien.
[4] René Alleau. Aspects de l’alchimie traditionnelle p 149. Editions de minuit, Paris 1953. Sous couvert d’orientalisme l’auteur développe toute la dimension de la mystique alchimique cherchant à atteindre « l’éveil » qui caractérise le tchen jen ou homme véritable.
[5] Bugarach est le nom d’un capitaine utilisé par Jules Vernes dans l’un de ses romans. Il semblerait donc qu’au XIXe siècle l’histoire de Rennes le Château était connue, avant l’heure, par des auteurs mystérieusement informés. Par qui ? Et surtout pourquoi ? Cela est encore un mystère.