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Il s'agit ici d'Initiation christique, de lien entre le christianisme initiatique ancien et les différents courants de la mystique permettant une fructueuse transformation de la pensée(métanoïa) pratiquée par les alchimistes. Des sujets divers sont abordés : Spiritualité, initiation, alchimie, cabale, mythologie, symbolisme...

PLANCHE... A TRACER, alchimie & Franc-Maçonnerie 1

(Cet article est le premier des deux qui portent le même titre.)

Il est difficile de parler de certains sujets sans se référer à son propre vécu. Pardonnez-moi d’oser me mettre en scène… déjà que le je est haïssable ! La raison de cette entorse est que je suis persuadé que non seulement ce procédé insuffle un peu de vie au texte et facilite ainsi sa lecture mais surtout il aide à mieux saisir des explications parfois abstraites. En effet, cette manière de procéder contribue à mieux comprendre et analyser un sens obscur grâce à l’extrapolation analogique avec l’histoire racontée. Que les « humbles » qui jugent cette manière didactique répréhensible soient rassurés, je ne les contredirais pas s’ils affirment que mon ego est monumental…

 

In illo tempore, au milieu des années 50 – je n’avais pas quatorze ans –  j’étrennait ma première salopette de menuisier. Au collège technique de Narbonne (jouxtant le collège Victor Hugo) je reçus mes outils et mes premières instructions au pied du chef d’œuvre d’un compagnon du tour de France. La complexité, la finesse de cette œuvre était étourdissante et à la seule vue de ce travail qui avait demandé plusieurs années de labeur acharné à un véritable artiste (nos guides nous répétaient inlassablement que dans le mot artisan il y a artiste, que les artisans étaient d’abord des hommes de l’art) je me demandais, ainsi que mes compagnons apprentis, si je n’avais pas fais fausse route, si le métier n’était pas au-dessus de mes capacités !

J’appris par la suite que nos instructeurs avaient voulu sciemment mettre face à face l’alpha et l’oméga, l’apprenti et le maître réalisé devenu, par ce chef-d’oeuvre – concentré de ses vastes connaissances – meilleur ouvrier de France. Mes compagnons et moi-même comprirent par la suite que les premiers pas dans le métier exigeaient une prise de conscience afin de rester humble devant le travail qui commençait à peine, et respecter l’immense savoir en la matière de ceux qui nous guidaient.

Dans ce chef-d’oeuvre, véritable dentelle de bois ou une fenêtre à imposte s’inscrivait au cœur d’une verrière (à petits carreaux) bombée vers l’extérieur. Peu de pièces étaient identiques et les assemblages me paraissaient impossibles à réaliser impeccablement dans leurs triples dimensions. C’est là, devant cet admirable travail, que me fut enseignée l’importance de la planche, non pas celle qui sert pour construire les échafaudages, mais celle qui devient une référence quand il s’agit de fabriquer une pièce complexe et que, dans le métier, on appelle planche à tracer. Ce fut également à ce moment que je réalisais qu’existait la cabale – ou manière, généralement phonétique, de s’exprimer – des alchimistes car cette fenêtre était consacrée tout entière à la génération, à la naissance (fait-naître) et donc à la néguentropie qui construit les êtres et les choses, qui génère les êtres vivants et les mondes (granule). Dans la philosophie des anciens ces divers processus de création s’appellent la « mondification ». C’est, dans le cadre des techniques de l’antique alchimie qu’existe une phase appelée création de « mondes » lorsque se sublime ou s’élève un corps brillant que l’on appelle l’étoile du matin… Il est évident que la genèse des mondes et l’étoile qui se lève ne saurait être mieux représentée que par la lettre G, initiale de granulation, genèse, Grand Œuvre, Graal et géométrie, ce dernier terme s’applique, évidemment, plus particulièrement à la planche à tracer. L’analogie de forme de la lettre initiale de ces différents termes – tout comme celle du C et du O – avec la sphère est suffisamment expressive pour comprendre que ce genre de parallélisme n’a aucun rapport avec le symbolisme spéculatif.

 

 

L’étoile au sein de laquelle émergent les mondes, est représentée dans l’Église par la Vierge qui va enfanter. C’est pourquoi elle est appelée dans les litanies « étoile du matin ». Il s’agit donc, n’en doutons plus, d’un fait de laboratoire bien concret.

Après avoir été inscrite, à juste titre, dans le rituel maçonnique, cette étoile flamboyante fit l’objet d’approfondissements spirituels et donc d’analogies diverses d’une richesse considérable. Cette étoile de feu est inséparable de la mondification et donc de la création ne saurait être passée sous silence par les différents auteurs :

 

« La consécration des deux espèces (durant la messe) – dit Eugène Canseliet en son Alchimie[1]– correspond aux sublimations, qui composent, en somme, tout le deuxième œuvre, et que Philalèthe, en particulier, a dénommé les aigles volantes, parce que se produit alors l’élévation des parties subtiles et mondées, à la surface du compost. »

 

Outre le parallélisme avec la messe – que connaissaient nos pères avant les réformes du concile Vatican II, – et la position des aigles volantes au début de solve, donc dès le deuxième œuvre (après la préparation ou premier œuvre) un passage n’aura pas échappé au lecteur, c’est celui de « parties subtiles et mondée ». Cette partie mondée correspond à la mondification, moment ou s’envolent les granules. C’est pourquoi dans les églises on dit que la chorale « chante à l’aigle », car le lutrin supportant l’antiphonaire à très souvent la forme d’un aigle posé sur une granule. Ainsi, Fulcanelli à la page 109 de son Mystère des Cathédrales (édition 1964) souligne sans ambiguïtés la relation entre la Genèse et les granulations :

 

« De même que le jour, dans la Genèse, succède à la nuit, la lumière succède à l’obscurité. Elle a pour signature la couleur blanche. Parvenu à ce degré, les Sages assurent que leur matière est dégagée de toute impureté, parfaitement lavée et très exactement purifiée. Elle se présente alors sous l’aspect de granulations solides ou de corpuscules brillants, à reflets adamantins et d’une blancheur éclatante. »         [2]

 

Les apprentis ou néophytes ne pouvaient être formés directement à l’alchimie opérative. Ils découvraient d’abord la théorie du Grand Œuvre qui précède l’entrée au laboratoire afin d’observer de visu l’Étoile du matin lors de la création des mondes.[3] Tout comme actuellement, les débutants étaient d’abord formés au maniement de l’analogie cabalistique, avec des extrapolations progressives vers l’alchimie interne et externe (laboratoire). C’est de cette manière que progressivement était enseigné un adepte qui devenait d’abord symboliste puis théoricien du grand art au fil des sept initiations. Au cours de la première était donnée la clé fondamentale de l’adjuvent salin permettant l’acquisition d’un vocabulaire particulier et de multiples extrapolations cabalistiques. La seconde montrait avec évidence l’importance des trois corps fondamentaux symbolisés par les trois points, afin d’accéder au compagnonnage. Ces trois points disposés en triangle symbolisent l’élément feu, lequel en sa qualité de substance, se place naturellement, par sa moindre densité, au dessus du mercure[4] qui sera plus tard à l’origine de la forme granulaire de la Pierre naissante.

Être frère aux trois points c’était donc connaître l’athanor et ses feux et aussi le mystère de la triple séparation et de la triple réitération du rebis. La Maîtrise ou troisième étape permet de maîtriser le sens des poids de nature pour entrer de plain-pied dans la fabrication de la Pierre et l‘œuvre au noir ou sépulcre. Ces trois niveaux préparatoires aboutissaient donc à la couleur noire analogue au bleu, d’où l’appellation de loge bleue, dont le symbole « corporatif » est celui des vierges noires. A partir de ce moment pouvait commencer le véritable travail sur solve, s’achevant avec la troisième multiplication.

Tout cela, résume d’une manière quelque peu abstruse, ce dont je m’excuse en promettant de clarifier le sens. Mais ce sens est contenu dans la symbolique maçonnique d’une manière souvent précise. En bref et clairement, pour obtenir de bons résultats, il faut d’abord tracer la route du vaisseau (vaissel) philosophal, dont le Graal est autant l’extrapolation symbolique que la réalité tangible :

 

« C’est bien à tort que l’on a voulu donner au Graal, écrit Claude d’Ygé (Nouvelle assemblée de Philosophes Chymiques,  p 96, Éditions Dervy, Paris 1954-1972) une valeur uniquement spirituelle et mystique. Sans nier l’immense portée du Graal dans ce sens. Nous avons de très pertinentes raisons d’ajouter que ce « Vase merveilleux » existe sur la terre et qu’il y demeure toujours à la disposition des « hommes de bonne volonté. »[5]

 

Vous l’avez compris, il s’agit ici de faire un parallélisme avec ce que les Francs-maçons appellent planche à tracer et l’hermétisme. Cette planche est représentée dans le « tableau » d’apprenti et dans celui de Compagnon tel que le décrit Jules Bouchet dans sa Symbolique maçonnique (1948) si souvent, et à juste titre, réédité.

Pour passer à l'article suivant : PLANCHE... A TRACER, alchimie & Franc-Maçonnerie 2



[1] P. 276, éditions J. J. Pauvert, Paris 1978.

[2] La raison de cette forme granulaire est aisément compréhensible. Il suffit de verser un peu de mercure dans une boite de pétris, et en le remuant avec une tige de verre on observe la formation de multiples billes. La forme sphérique de la Pierre philosophale tend à disparaître au fil des opérations.

[3] Rappelons que lors de la réception dans une Loge d’un personnage important il est précédé par l’étoile. Ce rituel ne pouvait être réservé à l’origine qu’aux adeptes et non aux personnages importants politiquement économiquement ou autrement. Seul les adeptes sont les protecteurs de l’étoile qu’ils pérennisent. De ce fait ils sont les uniques successeurs des rois mages qui suivent l’étoile vers l’enfant Divin.

[4] Les adeptes appellent ce mercure ayant subi une transformation qualitative mercure des philosophes.

[5] Le Graal a, comme il se doit, trois acceptions. L’une est spirituelle et mystique comme dans les romans de la Table Ronde. Une autre est concrète et permet aux hommes de bonne volonté de le « fabriquer ». Une troisième correspond à une coupe très réelle dissimulée en un lieu précis. Cet endroit ne peut être découvert que par ceux qui peuvent « fabriquer » un Graal contenant le sang du Christ. Cela implique donc qu’un individu prétendant savoir à quel endroit est dissimulé cette coupe, se trompe en toute bonne foi ou l’affirme en toute mauvaise foi...

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D
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H
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